Chronologie de sa vie
Alençon – 1873 à 1877 de
0 à 4 ans
2 janvier 1873 : Thérèse naissait à
Alençon en Normandie ; elle est la neuvième enfant de Louis et Zélie
Martin.
Louis voulait devenir religieux chez les chanoines du Grand Saint Bernard. Ne
sachant pas le latin, conseil lui est donné de retourner chez lui et de
l’apprendre car à cette époque le latin est nécessaire
pour les études théologiques. il finira par abandonner ce projet mais gardera le
goût du silence, de la solitude et de la contemplation.
Zélie voulut également devenir
religieuse. Elle frappa à la porte des sœurs de Saint Vincent de Paul, mais
essuya un refus net de la part de la supérieure qui lui dit que telle n’était
pas sa vocation. Pendant un temps, Zélie se cherche un avenir …. Que faire et
avec qui se marier ?
Alors qu’elle priait la Sainte
Vierge, une pensée lui suggéra de faire de la dentelle du point d’Alençon. Un
autre jour, alors qu’elle croisait Louis Martin dans la rue, elle entendit une
voix lui dire : « Voici l’homme que je t’ai réservé ». Elle devint experte en
dentelle du point d’Alençon et monta une entreprise avec des dentellières. Louis
Martin est Horloger. Le mariage eut lieu le 13 juillet 1858.
Louis approche de la cinquantaine
et Zélie a 41 ans lorsque naît Thérèse.
Ce qui frappe à la lecture du
manuscrit A, c'est l'extrême précocité de Thérèse. Jusqu'à 4 ans, elle fait la
joie de son entourage : “C'est un petit lutin” dit sa mère. Vers 3 ans, “lorsque
je commençais à parler, dit Thérèse, apprenant que Pauline serait religieuse, je
dis : “moi aussi je serai religieuse”. C'est là un de mes premiers souvenirs et
depuis, jamais je n'ai changé de résolution.” C'est l'époque du : “je choisis
tout” “Ce petit trait de mon enfance est le résumé de ma vie”
dira-t-elle plus tard. C'est à cet âge que Thérèse fait remarquer à son père que
son nom est écrit dans le ciel.
28 Août 1877, Mme Martin meurt d'un
cancer du sein à 46 ans. A partir de ce moment, le caractère de Thérèse va
changer : “Mon heureux caractère changea complètement, moi, si vive, si
expansive, je devins timide et douce, sensible à l'extrême.”
Lisieux – 1877-1888 de 4
ans à 8 ans
Après la mort de Zélie Martin, la
famille vient s'installer à Lisieux près de M Guérin, son frère. M Guérin est
pharmacien. Thérèse choisit Pauline comme deuxième maman, celle-ci l'éduquera
d'une main ferme et tendre.
Le 13 mai 1880, elle vit la
première communion de Céline comme si c'était sa propre communion : “Je me senti
inondée de joie … Je crois que je reçus de grandes grâces ce jour là.” L'été
1879 ou 1880, elle a une vision mystérieuse de son père, courbé, vieilli. Cette
vision prophétique annonçait la maladie de Mr Martin 6. Mais c'est
aussi l'époque où Thérèse s'épanouit au contact de la nature, des fleurs et de
la mer.
Octobre 1881 à février
1884 de 8 à 11 ans
Thérèse a maintenant 8 ans et demi.
En ce mois d'octobre, elle rentre comme demie pensionnaire à l'école des
bénédictines de Lisieux. “Ce sera, dit-elle, les années les plus tristes de ma
vie”. Quitter l'ambiance familiale lui est pénible, bien que Céline soit avec
elle. Elle souffrira surtout des moqueries d'élèves plus âgées et moins douées
qui lui feront payer sa précocité et son intelligence.
Le lundi 20 novembre 1882, Pauline
entre au Carmel et devient Sœur Agnès de Jésus. Thérèse vit le départ de Pauline
comme la mort de sa deuxième maman : “Je disais au fond de mon cœur : Pauline
est perdue pour moi.” Sa santé se dégrade dans l'hiver qui suit. La crise aiguë
se déclare le soir de Pâques, le 25 mars, après que M Guérin lui eut parlé de sa
maman morte. Elle est prise de tremblements, de crises de frayeur,
d'hallucinations.
Le 13 mai, Thérèse est subitement
guérie par le ravissant sourire de la Sainte Vierge. Bien que rétablie, elle va
souffrir de peines d'âme par crainte d'avoir menti en faisant état d'un sourire
de la reine des Cieux.
Février 1884 à mai 1885
de 11 à 12 ans
Cette année marque le sommet
spirituel de Thérèse enfant. Dans les trois années qui précèdent sa première
communion, Pauline et Marie vont beaucoup aider Thérèse, mais de son côté, elle
va y mettre tout son cœur. A l'aide de diverses méthodes, dont le “chapelet des
pratiques”, en 12 mois et 9 jours, elle aura accompli 3559 actes conscients
d'amour et de sacrifice, 50 par jour
Le 8 mai 1884, première communion
de Thérèse : “Ce fut un baiser d'amour, je me sentais aimée”. Il s'agit sans
d'une fusion mystique. En réponse à
ses
actes d'amour et de renoncement, Jésus fait sentir à Thérèse qu'il se donne à
elle et qu'il l'aime. Thérèse lui fait alors don de sa liberté. Malgré le
triomphe de sa préparation, elle se sent bien faible et fragile, ainsi envahie
par Dieu, elle ne veut d'autre force que la force divine. Elle a 11 ans
lorsqu'elle prend sa décision !
Trois évènements interviennent
alors :
– Entre le 17 et le 20, l'abbé
Domin prêche une retraite qui terrorise Thérèse et déclenche chez elle la
maladie des scrupules qui durera 18 mois.
– Le 8 juin, un mois après sa
première communion, elle communie pour la seconde fois. La fusion mystique
s'intensifie, elle écrit : “ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ qui vit
en moi” Le lendemain, un sentiment nouveau naît dans son cœur : “Je sentis
naître en mon cœur un grand désir de souffrance et en même temps l'assurance que
Jésus me réservait un grand nombre de croix, je me sentis inondée de
consolations telles que je les regarde comme une des grâces les plus grandes de
ma vie …. Je sentais le désir de n'aimer que le Bon Dieu, de ne trouver de joie
qu'en lui.” Elle répète alors la prière de l'imitation : “O Jésus douceur
ineffable ; changez pour moi en amertume toutes les consolations de la terre.”
Elle sera exaucée à la lettre !
– Le 14 juin 1884, Thérèse est
confirmée par Mgr Hugonin. “En ce jour, je reçus la force de souffrir, car
bientôt mon âme devait commencer.”
Mai 1885 à novembre 1886
de 12 à 13 ans
Thérèse traîne sa maladie des
scrupules. Tout devient peine et péché. Marie doit contrôler strictement ses
confessions. Elle est vraiment insupportable par sa trop grande sensibilité. les
grandes vacances se passent bien, mais à la rentrée scolaire à l'abbaye, Céline
n'est plus là. Drame ! Mr martin est obligé de reprendre sa fille à la maison.
Elle prend des cours particuliers chez Mme Papineau.
Le lundi 5 octobre 1885, Marie
rentre au Carmel. Léonie de son côté fait un essai chez les Clarisses. Devant ce
désert affectif, Thérèse invoque ses 4 petits frères et sœurs. Elle se sent
enfin apaisée et délivrée de ses scrupules.
Décembre 1886 à octobre
1887 de 13 à 14 ans
Le noël 1886 marque un grand
tournant dans la vie de Thérèse. c'est la période de sa vie la plus belle et la
plus remplie de grâces. Ce sera sa complète conversion. par le miracle de Noël,
Thérèse comprend que Jésus s'est fait faible pour la rendre forte et courageuse.
Elle ajoute : “Depuis cette nuit bénie, je ne fus vaincue en aucun combat, mais
au contraire, je marchais de victoire en victoire et commençais pour ainsi dire”
une course de géant “… la source de mes larmes fut tarie”.
Elle sent alors un grand désir de
travailler pour la conversion des pécheurs…. “Je sentis la charité entrer dans
mon cœur, le besoin de m'oublier pour faire plaisir et depuis lors, je fus
heureuse.” Ainsi libérée, Thérèse s'épanouit physiquement, spirituellement et
intellectuellement. Elle est prise d'une fringale d'apprendre et de connaître.
Le 29 mai 1887, en la fête de la
Pentecôte, Thérèse obtient de son père l'autorisation d'entrer au carmel. C'est
aussi à cette époque qu'elle découvre les conférences du chanoine Arminjon,
intitulées “la fin du monde et les mystères de la vie future”. Cette conférence
la “plonge dans un bonheur qui n'est pas de la terre ", dit-elle, " ce fut une
des plus grande grâce de ma vie”.
Un extrait de ce que Thérèse a lu
est inséré à ce dossier dans la partie suivante : “un visage à contempler”. il
est important de connaître ce texte pour deux raisons :
– Parce qu'il permet de comprendre
l'origine de l'expression “maintenant mon tour” ou “à son tour” qui revient si
régulièrement dans ses lettres ou ses écrits.
– Parce que cette conférence va
ancrer Thérèse dans la certitude que les souffrances et les sacrifices de cette
terre sont sans commune mesure avec les récompenses éternelles qui attendent les
saints. “Je pressentais déjà ce que réservent à ceux qui l'aiment ; et voyant
ces récompenses éternelles si disproportionnées avec les légers sacrifices de
cette vie, je voulais aimer, aimer Jésus avec passion, lui donner mille marques
de tendresse pendant que je le pouvais encore.”
Juillet 1887, fête du Précieux
sang, Thérèse reçoit une autre grâce qu'elle situe dans le manuscrit A,
immédiatement après sa conversion de Noël, mais qui se intervient 7 mois plus
tard. Un dimanche, Thérèse voit sur une image de son missel, le sang du Christ
couler par terre. Elle décide alors de se tenir au pied de la croix pour y
recueillir le sang. Elle ressent en elle la soif du Christ de sauver les âmes.
Il est capital de comprendre pourquoi Thérèse a relié en seul mouvement la grâce
de noël 86 et celle de juillet 87.
Avec une étonnante maturité
spirituelle, elle relie la crèche au calvaire. (Ce qu'elle manifestera également
en prenant le nom de Thérèse de l'enfant Jésus et de la Sainte Face.) A Noël,
l'enfant Jésus la guérit de son égocentrisme et la tourne vers les autres. En
juillet, il la met au pied de la croix (en attendant d'y monter ) et l'établit
“co-rédemptrice”. Elle a 14 ans !!! Et dans la foulée elle obtient le salut de
son premier enfant : l'assassin Pranzini.
Octobre 1887 à avril 1888
de 14 à 15 ans
C'est la période des démarches pour
obtenir l'autorisation d'entrer au Carmel : Courriers, démarches, atermoiements,
larmes et attente. Il y a d'abord le refus de son oncle Guérin qui s'y résoudra
15 jours plus tard sous l'influence de Sœur Agnès de Jésus (Pauline). puis ce
fut le refus catégorique du supérieur ecclésiastique du carmel, le chanoine
Delatroëtte. il permettra cependant d'en recourir à Mgr Hugonin, l'évêque de
Bayeux. Lors de la visite, l'évêque donne à Thérèse une réponse de normand ― ni
oui, ni non – en fait il la trouve trop jeune et lui conseille d'attendre. puis
se fut le pèlerinage à Rome du 4 novembre au 2 décembre. Le dimanche 20
novembre, à genoux devant le pape Léon XIII, Thérèse réitère sa demande.
Celui-ci la renvoie à ses supérieurs ecclésiastiques. Echecs, larmes ! Mais le
voyage ne fut pas inutile car à cette occasion, Thérèse va découvrir l'épaisse
humanité des prêtres et la nécessité de prier pour eux : “Ah! J'ai compris ma
vocation en Italie.” Ensuite parce qu'elle va vivre l'abandon du petit jouet.
Enfin parce que, après l'avoir observé, le vicaire général M Révérony rendra un
rapport positif à l'évêque.
Dès son retour, une nouvelle
demande est faite à Mgr Hugonin qui donne le feu vert pour une entrée sans
délai. Thérèse s'attend à entrer pour la fête de Noël. Nouvelle déception ! Sœur
Agnès de Jésus fait retarder l'entrée au 9 avril pour lui éviter les grands
froids humides dans les cellules et les couloirs du carmel. Elle mettra à profit
ce délai pour se préparer : “Mes mortifications consistaient à briser ma
volonté, toujours prête à s'imposer, à retenir une parole de réplique, à rendre
de petits service sans les faire valoir, à ne point m'appuyer le dos quand
j'étais assise.”
Le
Carmel
9 avril 1888 au 5 janvier
1889 de 15 à 16 ans : Postulat
Thérèse entre au carmel comme
postulante. Son vieux père la bénit à genoux en pleurant. En guise d'accueil,
M Delatroëtte ne pourra retenir quelques parles désobligeantes qui vont glacer
l'assistance. Une fois à l'intérieur, Thérèse est agréablement surprise : “Tout
me semblait ravissant, je me croyais transportée au désert ….avec quelle joie
profonde je répétais ces paroles : c'est pour toujours, toujours que je suis
ici.” Elle n'a cependant aucune illusion sur la vie religieuse, elle va y
rencontrer plus d'épines que de roses.
Thérèse connaît les 26 carmélites
avec qui elle va vivre désormais. Dès le début, elle impressionne par sa
maturité. Dans une lettre à Mme Guérin, la prieure écrit : “Jamais je n'aurai pu
croire à un jugement aussi avancé en 15 années d'âge ….pas un mot à lui dire,
tout est parfait.” malgré son jeune âge, Mère Marie de Gonzague aura
l'intelligence de ne pas la chouchouter. Thérèse lui en sera gré. Et la vie du
carmel se déroule avec son mélange de travail, de prières, de repos, de fêtes …
et de monotonie.
Au mois de mai, à l'occasion de la
profession de Sœur Marie du Sacré Cœur (Marie), Thérèse rencontre pour la
dernière fois le Père Pichon sj, son directeur spirituel, avant son départ au
Canada. Elle fait une confession générale, ce dernier la rassure : “Je déclare
que jamais vous n'avez commis un seul péché mortel.” C'est la fin du trouble
intérieur. Mais alors commence l'angoisse due à la maladie de Mr Martin. le 24
juin, frappé d'amnésie, Louis Martin disparaît pendant 4 jours sans prévenir. on
le retrouve au Havre. « O ma mère ! ce que nous avons souffert ! Et ce n'était
que le commencement de nos épreuves ! »
C'est dans ce contexte que Thérèse,
aidée par Sœur Agnès de Jésus découvre la profondeur des trésors cachés dans la
Sainte Face …. “J'ai compris ce qu'était la véritable gloire. Celui dont le
royaume n'est pas de ce monde me montra que la vraie sagesse consiste à vouloir
être ignorée, comptée pour rien. ….J'ai soif de souffrir et d'être oubliée.” En
novembre, Louis Martin est frappé d'une nouvelle poussée de paralysie. Nouvelle
angoisse des sœurs Martin.
Du 5 au 10 janvier : Thérèse fait
sa retraite de prise d'habit. Elle écrit à Sœur Agnès de Jésus qu'elle est
plongée dans les ténèbres.“sa seule consolation est une force, une paix très
grande et puis elle espère être comme Jésus veut, voilà sa joie, ça autrement,
dit-elle, tout est tristesse.”
Autres mots qui reviennent dans ses
billets : “sécheresse … sommeil”.
10 janvier, Mgr Hugonin préside la
prise d'habit en présence de papa Martin soudainement rétabli. Thérèse désire de
la neige pour que la nature soit, comme elle parée de blanc. il fut ainsi. Ce
jour là, Thérèse ajoute à son nom le vocable de la “Sainte Face”.
12 février, M Martin est enfermé à
la maison de santé de Caen. A cette souffrance de Thérèse, s'ajoute maintenant
une grande sécheresse de l'âme : “La sécheresse était mon pain quotidien.” Un
mot sur ce point. depuis son entrée au Carmel Thérèse ne connaît plus que la
sécheresse spirituelle. Celle-ci durera jusqu'à sa mort, à l'exception de rares
éclaircies. l'épreuve est d'autant plus pénible qu'elle intervient au moment ou
Thérèse devient l'épouse de “son unique amour”. La voici établie dans ce qu'elle
ressent comme un régime de silence, d'abandon et d'oubli de la part de son bien
aimé. Thérèse ne se trouble pas. Eclairée par les conférences d'Arminjon, elle
comprend que Jésus lui mendie cette sécheresse : “Hélas ! il n'est pas loin, il
est tout près de nous qui nous regarde et nous mendie cette tristesse …. Il en a
besoin pour les âmes, pour notre âme, il veut nous donner une si belle
récompense ! Ses ambitions pour nous sont si grandes …. Mais comment dira-t-il
‘mon tour’ si le notre est venu, si nous ne lui avons rien donné ? Hélas ! Il
lui en coûte de nous abreuver de tristesse, mais il sait que l'unique moyen de
nous préparer à le connaître comme il se connaît, à devenir Dieu nous mêmes.”
Géniale Thérèse que l'épreuve fait
rebondir en surcroît de confiance et d'amour en attendant que Jésus puisse lui
dire “maintenant mon tour !”
Janvier 1889 à septembre
1890 de 16 à 17 ans, noviciat
La maladie humiliante de M Martin
brise le cœur de Thérèse. L'ombre de cette épreuve plane comme un voile de deuil
sur toute la période du noviciat ; mais le voile de douleur va se transformer en
voile de Véronique. A travers les traits du serviteur souffrant, Thérèse apprend
à y reconnaître le visage de son père humilié.
Depuis le mois de juillet 1887,
elle sait que les souffrances servent au salut des pécheurs ? Elle écrit à Sœur
Agnès de Jésus : “le grain de sable (je, elle) veut à tout prix sauver les âmes
…. Il faut que Jésus lui accorde cette grâce ….Oui, la Face de Jésus est
lumineuse ! mais si au milieu des blessures et des larmes, elle est déjà si
belle, que sera-ce donc quand nous la verrons au Ciel ? … Oui, pour voir un jour
la Face de Jésus, pour contempler éternellement la merveilleuse beauté de Jésus,
le pauvre grain de sable désire être méprisé sur la terre”.
Pendant la retraite qui précède le
beau jour de ses “noces”, Thérèse est encore éprouvée : “l'aridité la plus
absolue et presque l'abandon furent mon partage.” La veille de sa profession
elle est envahie par la certitude qu'elle n'a pas la vocation. La maîtresse des
novices la calme et Mère Marie de Gonzague se contenta d'en rire.
Le 8 septembre 1890, au matin de sa
profession, Thérèse se sentit “inondée d'un fleuve de paix”. Sur son billet de
profession on lit : “O Jésus, mon divin époux… je ne te demande que la paix et
aussi l'amour, l'amour infini, sans limite autre que toi…. Jésus que pour toi je
meure martyre, le martyr du cœur ou du corps, ou plutôt tous les deux… Jésus,
fais que je sauve beaucoup d'âmes….”
Le 2 octobre 1890, le mariage de sa
cousine, Jeanne Guérin avec le docteur Francis de la Néele la stimule et
l'instruit “des délicatesses qu'une épouse doit prodiguer à son époux”.
Octobre 1891 à décembre
1892 de 18à 19 ans
Du jeudi 8 au jeudi 15 octobre
1891 : retraite communautaire. Elle sera capitale pour Thérèse qui
habituellement les vit mal, “Mais cette année, il en fut autrement”. Un
franciscain, le père Alexis Prou, prédicateur peu apprécié des autres sœurs,
devine l'âme de Thérèse : “il me lança à pleine voile sur les flots de la
confiance et de l'amour qui m'attiraient si fort.”
Au lendemain de Noël, la grippe
s'abat sur le Carmel. 3 religieuses meurent en 8 jours. Toutes les sœurs sont au
lit sauf les trois plus jeunes, dont Thérèse. Son dévouement ; son sang froid
finissent par avoir raison des préventions persistantes de M Delatroëtte.
C'est au cours de l'année 1892, que
Thérèse se nourrit exclusivement de la parole sainte : “A l'âge de 17-18 ans, je
n'avais pas d'autre nourriture spirituelle (que Jean de la Croix). Mais plus
tard tous les livres me laissèrent dans l'aridité…. Dans cette impuissance,
l'évangile et l'imitation viennent à mon secours.”
Février1893 à juin 1895
de 19à 21 ans
20 février : Sœur Agnès de Jésus
est élue prieure du Carmel. “Ce jour là, Pauline devint mon Jésus vivant…. Elle
devint pour la seconde fois ‘maman’”. Dans les jours qui suivent, Thérèse est
désignée comme maîtresse auxiliaire des novices.
23 juin. Léonie entre à la
visitation sous le nom de Thérèse Dosithée. Céline reste seule pour s'occuper de
papa Martin. Pour son avenir, Céline est partagée. Elle est demandée en mariage,
accepte des invitations au bal mais aspire au Carmel. Thérèse le supporte mal
car Céline est par excellence sa confidente : “La seule chose que je ne pouvais
accepter, c'était qu'elle ne soit pas l'épouse de Jésus”.
8 septembre 1893, expire pour
Thérèse le temps du noviciat, mais elle en demande la prolongation, ce qui
arrange la nouvelle prieure.
Dimanche 29 juillet, mort de Louis
Martin à 8h15 au château de la Musse. “Le Bon Dieu rompant les liens de son
incomparable serviteur et l'appelant à la récompense éternelle, rompit en même
temps ceux qui retenaient au monde sa fiancée chérie”.
Le 14 septembre 1894
Céline entre au carmel
Fin décembre, Mère Agnès de Jésus
invite Thérèse à écrire ses souvenirs d'enfance.
1895 est l'année où Thérèse
commence la relecture de sa vie grâce à la rédaction de son autobiographie.
C'est l'année de la “petite voie” : “Moi, je voudrai trouver un ascenseur pour
m'élever jusqu'à Jésus car je suis trop petite pour monter par le rude escalier
de la perfection. Alors j'ai recherché dans les livres saints l'indication de
l'ascenseur, objet de mon désir, et j'ai lu ces mots sortis de la sagesse
éternelle : « Si quelqu'un est tout petit, qu'il vienne à moi » ; Alors
je suis venue”.
« Qu'est-ce donc que l'ascenseur
thérèsien ? Rien d'autre que les bras de Jésus. Thérèse ne se propose pas de
vulgariser la sainteté en la mettant à la portée de tous, mais bien plutôt, elle
met toutes les âmes au niveau de la sainteté en leur apprenant à compter non
plus sur elles mais sur Jésus. Il y aurait une erreur grave à croire que la
“patronne des petites âmes” ait pu réduire les exigences de la sainteté à
l'accomplissement pur et simple du devoir d'état, ce qui ne serait que du
moralisme. Ce que Thérèse propose aux petites âmes, c'est l'invasion de Jésus
lui-même dans l’âme avec ses plans, ses idées, sa puissance, sa grandeur, son
amour. C’est dans la petitesse toujours sentie, avouée, aimée, rachetée, la
grandeur suprême : celle de Dieu » (Abbé Combes)
Dimanche 9 juin 1895, fête de la
Sainte Trinité. Deuxième événement décisif. Au cours de son action de grâce,
Thérèse comprend mieux que jamais combien Jésus désire être aimé… Considérant
les sœurs qui s’offrent en victime d’holocauste à la justice de Dieu pour les
pécheurs, Thérèse préfère s’offrir comme victime d’holocauste à l’amour
miséricordieux du Bon Dieu : « Afin de vivre dans un acte de parfait amour,
je m’offre comme victime d’holocauste à votre amour miséricordieux, vous
suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de
tendresse infinie qui sont renfermés en vous et qu’ainsi je devienne martyre de
votre amour, o mon Dieu. » (extrait de l’acte)
Ainsi, en ce 9 juin au matin,
Thérèse atteint le sommet où son ascenseur devait la porter.
Plongée en Dieu, Thérèse ne
s’arrêtera plus. D’ailleurs, « où serait le cran d’arrêt lorsqu’on débouche
sur l’océan « infini, sans borne, ni fond, ni rivage. » ? (Arminjon)
Vendredi 14 juin, vers la troisième
station de son Chemin de Croix, Thérèse est percée d’un trait de feu : « Tout
à coup j’ai été prise d’un si violent amour pour le Bon Dieu que je ne puis
m’expliquer cela qu’en disant que c’était comme si on m’avait plongée toute
entière dans le feu. Oh ! quel feu et quelle douceur en même temps ! Je brûlais
d’amour… puis je suis retombée aussitôt dans ma sécheresse habituelle. »
Thérèse Juillet 1896
6 octobre 1895 à
septembre 1897 de 22 à 24 ans
17 octobre. Thérèse est désignée
par Mère Agnès comme sœur spirituelle de l’abbé Bellière, futur père blanc,
celui qu’elle appellera son “cher petit frère”.
Mars 1896. Après l’élection
difficile de Marie de Gonzague comme prieure du Carmel, Thérèse est confirmée
dans sa tâche de maîtresse auxiliaire des novices
Nuit du jeudi Saint 2 au Vendredi
Saint 3 avril 1896, premier crachement de sang, symptômes de la tuberculose.
Thérèse y discerne le lointain appel de son bien aimé et s’en réjouit. Mais au
matin de Pâque, une terrible épreuve s’abat sur elle, épreuve qui devait durer
jusqu'à la mort : “Il permit que mon âme fut envahie des plus épaisses ténèbres
et que la pensée du Ciel si douce pour moi ne soit plus qu’un sujet de tourment…
Il me semble que les ténèbres empruntant la voix des pécheurs mes disent en se
moquant de moi : ‘tu rêves de lumière, une patrie embaumée des plus suaves
parfums, tu rêves la possession éternelle du Créateur de toutes ces merveilles…
Avance, avance, réjouis toi de la mort qui te donnera non ce que tu désires mais
une nuit plus profonde encore, la nuit du néant’”.
Parce qu’un dimanche de juillet,
elle s’est mise mystiquement au pied de la croix et relie ses souffrances au
salut des pêcheurs, Thérèse perçoit immédiatement le parti qu’ elle peut tirer
de cette nouvelle épreuve : “Mais Seigneur, votre enfant l’a comprise votre
divine lumière, elle vous demande pardon pour ses frères, elle accepte de manger
aussi longtemps que vous le voudrez le pain de la douleur et ne veut pont se
lever de table remplie d’amertume où mangent les pauvres pécheurs avant le jour
que vous avez marqué… Mais aussi ne peut-elle pas dire en son nom, au nom de ses
frères : ayez pitié de nous Seigneur, car nous sommes de pauvres pécheurs ! …Ô
Jésus s’il faut que la table souillée par eux soit purifiée par une âme qui vous
aime, je veux bien y manger seule le pain de l’épreuve jusqu’à ce qu’il vous
plaise de m’introduire dans votre lumineux royaume.”
30 mai. Mère Marie de Gonzague lui
confie les intérêts spirituels du Père Roulland Missions étrangères de Paris,
qui part pour le Su-Tchuen.
21 juin. Pour la fête de la
prieure, Thérèse prépare un jeu scénique : “Le triomphe de l’humilité” sur un
thème d’actualité : Diana Vaughan ! La lecture de l’ex-luciférienne, personnage
mystérieux (il s’agit en fait d’une mystification montée par un certain Léo
Taxil) suscite des prises de position passionnées et contradictoires. De ces
“révélations”, Thérèse ne retient qu’un aspect ; l’acharnement de Lucifer contre
les couvents et spécialement l’Ordre du Carmel. Elle invite ses sœurs à
s’engager hardiment dans le combat avec la seule arme irrésistible : l’humilité.
7 septembre 1896. Ce soir là,
Thérèse commence pour 10 jours ce qui sera sa dernière retraite privée. le 8
septembre, sixième anniversaire de sa profession, elle consacre une partie de
son temps libre à répondre à une requête de sa sœur Marie du Sacré Cœur : un
exposé par écrits de sa “petite doctrine” Il s’agit d’une lettre ( Manuscrit B)
Ce texte inépuisable est considéré depuis longtemps comme un joyau de la
littérature chrétienne. Résumons nous. Thérèse aime et veut aimer Jésus comme on
ne l’a jamais aimé. Elle veut sauver tous les pécheurs en se tenant au pied de
la croix et à la table des incroyants. Elle reçoit la charge d’accompagner
spirituellement deux missionnaires, sans parler des novices. C’est dans ce
contexte que Thérèse découvre les exigences de la vie fraternelle. Désormais
l’amour de Thérèse n’a plus de bornes, son désir d’aimer à l’infini lui fait
souffrir “un véritable martyre”. Elle sent en elle le désir d’accomplir toutes
les vocations. Tiraillées entre ses désirs infinis et sa vocation de cloîtrée,
Thérèse trouve en Saint Paul une issue par le haut... “Je compris que l’amour
renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, embrassait tous les
temps et tous les temps et tous les lieux…en un mot qu’il est éternel… alors,
dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : O Jésus mon amour… ma
vocation enfin je l’ai trouvée, ma vocation c’est l’amour !
Oui, j’ai trouvé ma place… dans le
cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’amour !… ainsi je serai tout… ainsi mon
rêve sera réalisé !!!”
Octobre 1896 Au cours d’une
retraite communautaire, Thérèse confie ses tentations contre la foi et
l’espérance au Père Godefroid Madelaine, un prémontré. Celui-ci lui conseille de
porter le credo en permanence sur son cœur. Elle décide de l’écrire avec son
sang.
L’hiver avance, dans sa «nuit»
Thérèse n’a plus d’autre flambeau que le “flambeau de la charité”. Elle
transcrit à cette époque un verset bien significatif d’Isaïe : « Si tu
prodigues ton âme à celui qui a faim et si tu remplis de consolations une âme
affligée, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et tes ténèbres seront comme
lumière de midi. » (Is 58, 18)
Implacablement, la tuberculose
progresse. Cela devient visible sur les photos. Son visage est marqué par des
cernes sous les yeux. Malgré tout, le 3 mars, elle commence le jeûne du carême.
le 25 mars, pour la profession de Sœur Marie de l’Eucharistie, elle compose le
poème “mes armes” qui s’achève ainsi : « En chantant, je mourrai sur le champ
de bataille, les armes à la main… » Dans une autre poésie, elle nous livre
le secret de sa joie : « que me fait la mort ou la vie ? Jésus, ma joie c’est
de t’aimer. »
4 avril. Avant la fin du carême,
Thérèse doit s’aliter, visage enfiévré, absence totale d’appétit, épuisement
intense.
6 avril. Mère Agnès de Jésus
commence à noter les paroles de sa sœur, substance du futur “carnet jaune”. Dans
ces “derniers entretiens”, Thérèse monte sur la montagne du calvaire. Elle y
apparaît étonnamment proche et vivante. Abreuvée de souffrances corporelles et
spirituelles. Thérèse fait preuve d'une joie déconcertante. purifiée, libérée,
elle peut maintenant laisser s'exprimer son exquise humanité. Sœur universelle,
l'annonce de l'évangile dans le monde entier ne cesse de la hanter, y compris
par delà la mort : “Si le Bon Dieu exauce mes désirs, mon ciel se passera sur la
terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien
sur la terre.”
Une succession de crises et de
rémissions amèneront Thérèse à ne plus se soucier du jour et de l’heure de la
venue du “Voleur”. Elle s’établit dans l’abandon, la confiance et l’amour de
Jésus, le serviteur souffrant. Sans aucune morphine, son agonie fut atroce :
“jamais je n’aurai cru qu’il était possible de tant souffrir ! jamais ! jamais !
je ne puis m’expliquer cela que par les ardents désirs que j’ai eu de sauver les
âmes.”
Jeudi 30 septembre : « jour
de sa précieuse mort », Thérèse entre dans la vie par ses paroles : « Oh ! je
l’aime… Mon Dieu… je vous aime !… »
Notre Mère fit sonner bien vite la
cloche de l’infirmerie pour rappeler la communauté.
« Ouvrez toutes les portes »
disait-elle en même temps. Cette parole avait quelque chose de solennel et me
fit penser qu’au Ciel le Bon Dieu la disait aussi à ses anges. Les sœurs eurent
le temps de s’agenouiller autour du lit et furent témoins de l’extase de la
sainte petite mourante. Après la mort, elle conserva un céleste sourire.
|