Saint Tite
naquit de parents idolâtres. Saint Paul l'appelle son fils,
ce qui porte à croire qu'il l'avait converti à
la foi ; et il lui
était si étroitement attaché à cause de ses éminentes vertus, qu'il
en fit son interprète ordinaire. Il l'appelle encore son frère et le
coopérateur de ses travaux, et il le représente comme un homme
brûlant de zèle pour le salut des âmes (Cor. VIII, i6; XII, 18).
Lorsqu'il parle de la consolation (Cor. VII, 6 et 7) qu'il en
recevait, il se sert des expressions les plus tendres, et il va
jusqu'à dire qu'il n'avait point eu l'esprit en repos, pour
ne l'avoir pas trouvé à Troade (Corinth. II, 13).
L'an 51 de
Jésus-Christ, Tite suivit saint Paul à Jérusalem, et assista avec
lui au concile que tinrent les apôtres pour décider la question qui
s'était élevée au sujet des observances légales. Quelques faux
frères d'entre les Juifs l'ayant voulu assujettir à la loi de la
circoncision, l'apôtre réclama la liberté de l'évangile. Il est vrai
qu'il avait circoncis Timothée ; mais les circonstances étaient
changées ; et mollir dans celle-là, c'eût été reconnaître la
nécessité des rites anciens.
Vers la fin de
l'année 56, S. Paul envoya son disciple d'Éphèse à Corinthe, avec
plein pouvoir de remédier à plusieurs sujets de scandale, et de
terminer les divisions qui troublaient l'église de cette ville. Il y
fut reçu avec les plus vives démonstrations de respect, et tous les
fidèles s'empressèrent de lui procurer toutes sortes de secours.
Mais en vrai disciple du grand Apôtre, il ne voulut rien recevoir,
pas même ce qui était nécessaire aux plus indispensables besoins,
Son arrivée produisit de très-heureux effets : les coupables se
repentirent, et rentrèrent dans le devoir. Sa tendresse pour les
Corinthiens était extraordinaire, et il se chargea de solliciter en
leur nom la grâce de l'incestueux excommunié par saint Paul. Les
affaires de l'église de Corinthe étant en bon état, il alla
rejoindre son maître, auquel il rendit compte du succès de son
voyage. Quelque temps après, il fut envoyé une seconde fois dans la
même ville, afin de faire préparer les aumônes destinées aux pauvres
de Jérusalem.
Lorsque saint
Paul fut sorti de prison, et qu'il eut la liberté de quitter Rome,
il ne pensa plus qu'à retourner en orient, Il s'arrêta en passant
dans l'île de Crête pour y prêcher Jésus-Christ : mais comme les
besoins des autres églises l'appelaient ailleurs, il ordonna Tite
évêque de toute l’île, et lui commit le soin d'achever l'ouvrage
qu'il avait si heureusement commencé. L'importance de cette charge,
dit saint Chrysostôme, doit nous faire comprendre quelle était
l'estime de l'apôtre pour son disciple.
Saint Paul ne put
longtemps se passer d'un compagnon tel que notre Saint; ce fut ce
qui l'engagea à lui adresser dans l'automne de l'année 64, l'épître
qui fait partie de nos divines Écritures. Il lui mandait de le venir
trouver à Nicopolis en Epire, où il comptait passer l'hiver,
aussitôt après l'arrivée d'Artémas et de Tychique qu'il envoyait
pour le remplacer ; il le chargeait ensuite d'établir des prêtres ,
c'est-à-dire , des évêques dans toutes les villes de l'île. Après le
détail des qualités nécessaires à un évêque, viennent de sages avis
sur la conduite qu'il doit tenir envers son troupeau, et sur
l'accord de la fermeté et de la douceur dans la manutention de la
discipline. Les pasteurs puiseront dans celle épître la connaissance
des vraies règles, et s'exciteront à s'y conformer avec la même
fidélité que S. Tite. L'an 65, l'apôtre envoya son disciple prêcher
l'évangile en Dalmatie. Quelque temps après, il retourna en
Crète, où il mourut dans un âge fort avancé, après avoir sagement
gouverné son église, et répandu la lumière de la foi dans les îles
voisines.
On gardait
autrefois son corps dans la cathédrale de Cortyne, qui
l'honorait comme son premier archevêque. Les Sarrasins ayant ruiné
cette ville en 823, on ne retrouva de toutes les reliques de saint
Tite que son chef, qui depuis a été porté a Venise, et déposé dans
l'église de saint Marc.
Saint Paul
n'éleva son disciple à la dignité de pasteur, que parce qu'il trouva
en lui toutes les qualités nécessaires à un état si saint. Vouloir
donc s'ingérer dans les fonctions sacrées du ministère, lorsqu'on
est encore novice dans les voies de Dieu, et avant de s'être
familiarisé avec la pratique des maximes évangéliques, c'est un zèle
faux et illusoire, c'est une tentation du démon. On ressemble à ces
oiseaux qui périssent pour vouloir prendre l'essor avant d'avoir des
ailes. En vain voudrait-on faire valoir la pureté de ses intentions,
jamais on ne remplira ses devoirs, à moins que l'on ne se soit
parfaitement instruit de la loi divine, que l'on ne se soit pénétré
des maximes et de l'esprit de Jésus-Christ, que l'on n'ait acquis de
l'expérience, et que l'on ne connaisse à fond le cœur de l'homme,
avec les différentes passions qui le remuent. Il faut encore s'être
appliqué sérieusement à mourir à soi-même par la pratique habituelle
de l'humilité et de la mortification ; s'être rendu comme naturel
l'exercice de la contemplation, afin que, possédant son âme au
milieu même des fonctions extérieures , on puisse dire avec vérité :
Je dors, mais mort, cœur veille ; je dors par rapport aux
choses de la terre, avec lesquelles je n'ai rien de commun ; mais
mon cœur veille, parce qu'il s'élance continuellement vers Dieu par
l'activité de ses mouvements et par la vivacité de ses désirs.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card. |