Vincent Jean Abraham

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Vincent Jean Abraham
Curé de Sept-Saulx (Marne), Martyr, Bienheureux
(1710-1792)

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Vincent ABRAHAM, de Charleville
Curé de Sept-Saulx (Marne)
massacré aux Carmes le 2 septembre 1792

Quand nous avons livré au Bulletin du diocèse de Reims l'article si glorieux concernant Marie-Anne HANNISSET, de Reims, carmélite de Compiègne, mise à mort à Paris le t7 juillet 1794 avec ses compagnes, nous ne pensions pas qu’il nous serait donné presque aussitôt de mettre en honneur une seconde victime de la Révolution, l'abbé ABRAHAM (Vincent), de Charleville, massacré aux Carmes de Paris le 2 septembre 1792.

Quelle gloire pour le diocèse de Reims de compter parmi ses enfants deux martyrs ! Quelle gloire surtout si l'on parvient à les faire reconnaître comme saints !

On y travaille activement à Paris. Les deux causes, des Carmélites de Compiègne et les prêtres massacrés aux Carmes, font maintenant l'objet d’une étude sérieuse, fortement documentée et surtout motivée par des faveurs marquantes dues aux Carmélites de Compiègne.

C'est ce qui nous a déterminé à ajouter à notre premier travail, les Carmélites de Compiègne, un second relatif à l'abbé Abraham (Vincent), massacré aux Carmes.

     Puisse notre travail faire connaître et aimer ces héroïques victimes, et inspirer une véritable confiance en elles. C'est un devoir pour nous d'aider les promoteurs de la cause dans leur généreux effort.

Abraham (Vincent) naquit à Charleville le 15 juin 1740, et fut baptisé le lendemain, comme l'atteste l'acte suivant :

       « L'an de grâce mil sept cent quarante, le 16 juin, je Claude Gérault, prêtre vicaire de Charleville, soussigné, ai baptisé le fils de Pierre Abraham marchand, et de Anne Marie Lamotte ses père et mère, mariez ensemble, habitants de cette paroisse, auquel, né le quinze du présent, on a imposé le nom de Vincent, le parrain a été Vincent La motte garçon et la marraine Catherine La motte épouse de Thomas Ronet, foulon, de la paroisse de Sedan, qui ont signé avec moi an et jour qui dessus :

ABRAHAM, LAMOTTE, Catherine LAMOTTE, Gérault. »

Abraham fit sans doute ses études au collège des Pères Jésuites de Charleville, qui ne passa aux mains de prêtres libres qu'en 1762 ; le jeune étudiant était déjà entré au séminaire de Reims.

Le 7 décembre 1761, M. l'abbé Aublin, curé de Charleville, publie au prône de la messe paroissiale les bans de Vincent Abraham, appelé au sous-diaconat.[1]

À cette date, le père du futur sous-diacre était mort, comme le prouve l'acte suivant constituant en sa faveur 100 livres de pension viagère :

« Constitution faite par Alexandre François Durand, marchand façonnier de bas en métier, demeurant à Charleville, et Anne-Marie Lamotte, sa femme, en faveur de Vincent Abraham, fils de feu Pierre Abraham, en son vivant demeurant à Charleville, et de la dite Lamotte, de son premier lit, de 100 livres de pension viagère pour lui servir de titre sacerdotal ; le 3 novembre 1761. » [2]

« Vincent Abraham fut ordonné prêtre le 16 juin 1764, le samedi des quatre-temps, dans l'octave de la Pentecôte, en la chapelle du palais archiépiscopal, par Jean de Cairol, évêque de Sarepte. » [3]

L'abbé Abraham a été vicaire d'Attigny, du 20 novembre 1773 au 25 octobre 1780.[4]

Il desservit la cure de Sept-Saulx.[5]

Les Archives de Reims possèdent quelques pièces rédigées par l'abbé Abraham, comme curé de Sept-Saulx. Ce sont de véritables reliques que nous pouvons signaler, grâce à l'obligeance de M. L. Demaison, archiviste de la ville de Reims, qui nous écrit : « Dans le dossier de Sept-Saulx, il y a quelques pièces écrites de la main de l'abbé Abraham, alors curé de ce village, entre autres des renseignements sur l'état de la cure et le revenu des fabriques de Sept-Saulx et des Petites-Loges, et un mémoire sur la paroisse des Petites-Loges. » [6]

Abraham Vincent, étant encore curé de Sept-Saulx en 1790, reçut l'ordre d'adhérer à la Constitution civile du Clergé ; sa conscience éclairée lui fit un devoir d'opposer un refus formel à cette injonction. L'autorité civile de son canton lui intima l'ordre de quitter aussitôt sa cure. Il vint à Reims ; mais ne s'y trouvant pas en sûreté, il partit pour Paris, espérant s'y cacher et pouvoir y suivre l'impulsion de son zèle.

La journée du 18 août 1792 facilita aux ennemis du clergé d'assouvir leur haine. Dès le lendemain, ordre est donné d'arrêter tous les prêtres non assermentés, de les jeter eu prison en attendant les massacres.

L'abbé Abraham est arrêté et conduit au comité civil de la section de Luxembourg. On lui demande dé prêter le serment civique : il refuse. Il est alors emmené à la maison des Carmes, où il fut massacré le 2 septembre 1792, avec cette noble phalange de deux cents prêtres qui moururent avec un courage et une dignité qui étonnèrent leur propre bourreau.

Nous n'avons pas à raconter ici les épisodes nombreux, touchants et héroïques qui marquèrent le séjour des prêtres enfermés aux Carmes. Les historiens l'ont fait à l'envi.

Abraham Vincent a-t-il été réellement massacré aux Carmes le 2 septembre 1792 ? On pourrait en douter en lisant dans la Liste générale des déportés, reclus et condamnés du département de la Marne, imprimée à Châlons, chez Mercier, an II de la République : « ABRAHAM ex-curé de Sept-Saulx, dernier domicile connu : Reims, émigré. »

Nous possédons une autre liste, certifiée conforme, « tenue en la commune de Reims, le 7 mai 1793, l'an II de la République française, signée en la minute, Tauxier, secrétaire greffier de la municipalité ».

Or, cette liste ne fait nullement mention, comme émigré d'Abraham Vincent.

D'ailleurs, tous les historiens le mettent au nombre des prêtres massacrés aux Carmes de Paris. S’il pouvait y avoir encore quelques doutes à ce sujet, il nous suffirait d'appeler en témoignage : l'abbé Hulot, curé d'Attigny [7], disant : « Vincent Abraham a péri dans les massacres des 2 et 3 septembre 1782. » ; l’Almanach historique de la ville de Reims, année 1789 (appartenant à M. Jadart), sur la marge duquel, en regard des noms des prêtres, relativement à leur conduite au moment de la Révolution, on lit, au mot Sept-Saulx, « Fidèle, Abraham 1780, massacré aux Carmes ». À ces autorités ajoutons celle de M. l'abbé Guillon, Martyrs de la Foi, tome 1er, p. 45, et celle de l'abbé Barruel, Histoire du clergé français pendant la Révolution, liste des victimes du 2 et du 3 septembre 1792, p. 249 : « Abraham, curé au diocèse de Reims, » et en marge, à la main : « curé de Sept-Saulx. »

Mais un témoignage que l'on ne peut mettre en doute, c'est la présence, dans l’ossuaire des Carmes, du crâne de l'abbé Abraham, perforé sur le haut d’un coup de pique ou de baïonnette, avec cette note : Abraham, curé de Sept-Saulx. Il est facile de le voir, car il est le premier des ossements conservés. Il a été vu par M. le Secrétaire de l'Archevêché de Reims, dont le grand-père a été marié par le vénérable martyr.[8]

Charles Cerf.

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Vincent ABRAHAM
massacré en haine de la foi
le 2 septembre 1792.

Nous avons rappelé dernièrement le souvenir de ce digne prêtre, à l’occasion des démarches que faisait à Rome, Mgr Richard, pour obtenir l'introduction de la cause des ecclésiastiques en compagnie desquels il fut massacré au couvent des Carmes de Paris, le 2 septembre 1792.

En voici qu'en consultant pour un tout autre objet certains documents conservés aux archives de l'archevêché [9], nous venons de découvrir que Vincent Abraham, ordonné prêtre le 16 juin 1764, avait été ensuite nommé vicaire de Pontfaverger, où il demeura de 1765 à 1777 [10].

Le curé dont il était l'auxiliaire se nommait Jean-François Colinet ; il dirigeait la paroisse depuis le 1er décembre 1734, mourut à l'âge de quatre-vingt-deux ans, le 31 août 1777, et fut enterré dans le chœur de son église.

Or, à une autre extrémité du diocèse, près de Charleville, pays natal de Vincent Abraham, dans l'église de Damouzy, le 6 juin 1723, troisième dimanche après la Pentecôte, maître Jean Abraham, curé du lieu, assistait à l'autel son neveu, Jean-Simon Colinet ; [11] troisième fils de défunt Pierre Colinet et de Marie Barbe Abraham [12], qui chantait ce jour-là sa première messe, ayant à ses côtés, comme diacre et sous-diacre, ses deux frères aînés, Pierre Colinet, curé, de Bertoncourt et Jean-François Colinet, vicaire de Mouzon, et comme servant de messe, Pierre Abraham, jeune étudiant, son cousin-germain [13].

Le Sous-diacre de cette première messe est bien le même Jean-François Colinet qui devint, onze ans plus tard, curé, de Pontfaverger, et comme nous savons que le vicaire qui lui fut donné à la fin de sa carrière, Vincent Abraham, était fils de Pierre Abraham [14], nous croyons reconnaître sous ce dernier nom le jeune servant de messe de 1723, et être ainsi en droit de supposer que Vincent Abraham, le futur martyr des Carmes, était cousin issu de germain de Jean-François Colinet et de ses frères, et petit-neveu de Jean Abraham, décédé curé de Damouzy vers 1733, après quarante années de ministère dans cette paroisse.

Nous publions ces lignes dans l'espoir qu'elles nous vaudront peut-être la communication de quelque document à l'appui de notre hypothèse, nous permettant de rattacher par des liens plus nombreux encore au clergé rémois celui de ses membres dont le martyre fut pour le diocèse un grand honneur et dont la béatification serait une gloire et une source de grâces pour tous les lieux où il passa.[15]

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Vincent ABRAHAM

L'appel que nous adressions à nos lecteurs à été entendu : une obligeante communication, dont nous remercions vivement l'auteur, nous permet, en justifiant nos suppositions, de compléter, par quelques détails intéressants sur sa famille, la notice biographique de Vincent Abraham.

Le père de ce confesseur de la foi, Pierre Abraham, était fils de Jean Abraham et de Piéronne Regnault ; il fut baptisé à Charleville, le 12 avril 1711, et eut pour parrain son cousin-germain, Pierre Colinet, et pour marraine, sa tante, Marie Abraham, veuve Colinet.

Pierre Abraham mourut à Charleville, le 26 novembre 1746.

L'aïeule de Vincent Abraham, Piéronne Regnault, appartenait à une famille encore existante à Charleville et qui a donné, en notre siècle, un pieux et vénéré prélat à l’Église : Mgr Louis-Eugène Regnault, décédé évêque de Chartres, le 3 août 1888, à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

Le grand-oncle de Vincent Jean Abraham, fut curé de Damouzy pendant quarante ans et y mourut en 1733.

Un de ses cousins et son parrain, Pierre Colinet, d'abord curé de Bertoncourt, prés de Rethel, succéda au précédent et mourut à Damouzy en 1761, après vingt-huit ans de séjour dans cette paroisse.

Un autre cousin, frère de Pierre, Jean-François Colinet, fut vicaire de Mouzon, puis, plus tard, curé de Pontfaverger de 1734 à1777, et mourut le 31 août de cette année, ayant eu le futur martyr des Carmes pour auxiliaire de 1765 à 1777.

Un troisième cousin de Vincent Abraham, Jean-Simon Colinet, frère du précèdent, ordonné en 1723, devint curé de Bertoncourt, par la résignation de son frère Pierre, en 1733 ; nous ignorons la date de sa mort.

La chrétienne famille qui donnait en même temps quatre de ses membres au service des autels, était digne de voir éclore en son sein la fleur empourprée du martyre : elle s'y épanouit, en effet, et Dieu la cueillit quand, le 2 septembre 1792, Vincent Abraham, curé de Sept-Saulx, versa son sang pour le Christ et pour l'Église, dans le jardin du couvent des Carmes de Paris, laissant une mémoire que le décret de béatification rendra bientôt, nous l'espérons, plus glorieuse encore et plus précieuse au diocèse de Reims et à sa ville natale.[16]


[1] Archives de Reims, fonds de l'Archevêché, G. 213, Titres patrimoniaux.

[2] Archives de Reims, citées plus haut.

[3] Archives de Reims, fonds de l'Archevêché, G. 240, Registre des Ordinations, de 1763 à 1782 folio 10-11.

[4] Histoire d'Attigny par l'abbé HULOT, curé de cette paroisse.

[5] Doyenné de Verzy, appelé dans les anciens pouillés doyenné de Vesle.

[6] Archives de Reims, fonds de l'archevêché, G. 285 ; Visites du Doyenné de Vesle.

[7] Ouvrage cité, p. 293

[8] Bulletin du Diocèse de Reims, juillet 1897, p. 325.

[9] Statistique diocésaine, paroisse de Pontfaverger.

[10] M. le chanoine Cerf, dans la notice qu'il consacra à ce vénérable confesseur de la foi, écrit (Bulletin du 10 juillet I891, d’après les indications de l'abbé Hulot (Histoire d'Attigny, page 291), que V. Abraham fut vicaire d'Attigny dès le 20 novembre 1773. Nous estimons que ce dernier chiffre a été imprimé par erreur ; c’est 1777 qu'il faut lire, et la preuve, c'est que le vicaire prédécesseur d'Abraham resta à son poste jusqu'au 21 septembre 1777, et il n'y eut jamais deux vicaires ensemble à Attigny, la liste dressée par M. Hulot le démontre.

[11] Jean-Simon Colinet devint dans la suite curé de Bertoncourt par la résignation que fit de ce bénéfice en sa faveur son frère Pierre, quand celui-ci succéda à Jean Abraham, à la mort de ce dernier. Pierre Colinet mourut à Damouzy en 1761 et fût enterré dans le chœur de l'église.

[12] Marie Barbe Abraham, qui restait avec son frère au presbytère de Damouzy, fût enterrée dans la nef de l'église, ainsi que leur sœur Marie Abraham.

[13] Voire statistique diocésaine, paroisse de Damouzy, extraits du registre où Jean Abraham relatait tous les faits importants dont il était le témoin.

[14] Vincent Abraham naquit à Charleville le 15 juin 1710, de Pierre Abraham et d Anne-Marie Lamotte.

[15] Bulletin du Diocèse de Reims, février 1899, p. 62.

[16] Bulletin du Diocèse de Reims, février 1899, p. 76.

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