Le
chantre de l’Amour de Dieu
Dans son
diocèse savoyard[1],
gagné en partie par le calvinisme, François de Sales se montrera aussi attentif
au
perfectionnement du clergé qu’à l’enseignement des laïcs.
François
voulait aussi prouver qu’une âme vigoureuse pouvait “vivre au monde sans
recevoir aucune humeur mondaine, trouver des sources d’une douce piété au milieu
des ondes amères de ce siècle, et voler entre les flammes des convoitises
terrestres sans brûler les ailes des sacrés désirs de la vie dévote.[2]”
Saint
François de Sales, est issu d’une famille noble de Savoie. Aîné de treize
enfants, il naquit le 21 août 1567 à Thorens, petite ville située à une
vingtaine de kilomètres d’Annecy. Dans ce pays profondément touché par le
protestantisme, les parents de François étaient cependant restés très attachés à
la foi catholique.
La maman de
François de Sales fut mariée à l’âge de treize ans à Mr de Boisy. Elle n’avait
que 14 ans quand elle mit au monde au château de Sales, deux mois avant terme,
son premier bébé, François, qu’elle avait consacré à Dieu quelques mois
auparavant, devant le Saint Suaire de Turin. Le père de François le destinait à
la magistrature; aussi le confia-t-il d’abord au collège de Foron, puis à celui
d’Annecy, avant de l’envoyer à Paris au collège de Clermont (devenu Collège
Louis le Grand, en 1681) où il acquit une solide culture classique et générale:
François de Sales deviendra l’un des plus grands écrivains français de la
période préclassique.
Très tôt
François avait entendu l’appel de Dieu à une vie consacrée, et pourtant vers
l’âge de 19 ans, probablement suite aux cours de la Sorbonne sur la
prédestination, il traversa une grave crise intérieure: pendant plusieurs
semaines François se crut définitivement damné. Sa santé s’altéra. François
décrivit lui-même cette crise: “Moi, misérable, serais-je donc privé de la
grâce de Celui qui m’a fait goûter si suavement ses douceurs, et qui s’est
montré à moi si aimable?... et jamais je ne serai fait participant de cet
immense bénéfice de la Rédemption...”
François fut
guéri un jour du mois de janvier 1587, dans l’église de Saint Étienne-des-Grès,
quand, devant la vierge noire: Notre-Dame de Bonne Délivrance, il récita un acte
d’abandon à Dieu et la prière de Saint Bernard: “Souvenez-vous, ô glorieuse
Vierge Marie...”
Au printemps
de 1588, la guerre civile éclate à Paris... Monsieur de Boisy rappelle son fils
en Savoie, puis l’envoie à Padoue étudier le droit pendant trois ans. François
restera à Padoue de 1588 à 1591; il y fera des études de droit et des études de
théologie. Il s’imprégnera du livre Le combat spirituel du religieux
théatin Lorenzo Scupoli et pénétrera également l’esprit de la Réforme
Catholique, incarnée alors par Saint Philippe Néri (1515-1595) et Saint Charles
Borromée (1538-1584).
Dès son
retour en Savoie, en 1591, François est nommé, grâce aux actions de son père, au
Sénat de Chambéry. Mais François refuse d’entrer au Sénat; il refuse aussi le
riche mariage qui lui avait été préparé. Grâce à son cousin Louis de Sales,
chanoine de la cathédrale de Chambéry, son confident, et à Mgr de Granier,
évêque de Genève exilé à Annecy, il est nommé prévôt du chapitre de Saint-Pierre
de Genève, puis sénateur de Savoie: il a 24 ans... Son père, est comblé... Mais
François refuse encore, renonce à son droit d’aînesse, reçoit les ordres
mineurs, puis le diaconat, et devient prêtre le 18 décembre 1593.
Le 21
décembre 1593, François de Sales célébrait sa première messe puis était installé
prévôt du chapitre de Genève. À cette occasion il prononça un discours sur le
thème: la reconquête de Genève. S’adressant aux chanoines qui formaient son
conseil, il déclara: “C’est par la charité qu’il faut ébranler les murs de
Genève, par la charité qu’il faut l’envahir, par la charité qu’il faut la
recouvrer... Que votre camp soit le camp de Dieu... C’est par la faim et la
soif, endurées non par nos adversaires, mais par nous-mêmes, que nous devons
repousser l’ennemi...
Il est un
aqueduc qui ranime et alimente pour ainsi dire toute la race des hérétiques, ce
sont les exemples des prêtres pervers, les actions, les paroles, en un mot
l’iniquité de tous, mais surtout des ecclésiastiques. C’est à cause de nous que
le nom Dieu est blasphémé chaque jour parmi les nations... En un mot, car il
faut terminer ce discours, nous devons vivre selon la règle chrétienne, de telle
sorte que nous soyons chanoines, c’est-à-dire réguliers, et enfants de Dieu non
seulement de nom, mais encore d’effet.”
François
commençait sa difficile mission d’évangélisation de la province calviniste du
Chablais. La tâche était immense, mais François disposait des meilleures armes
qui soient: l’oraison, l’aumône et le jeûne...
Retour
sur 1589 – Assassinat de Henri III. Henri de Bourbon, roi de Navarre, chef
du parti protestant et héritier légitime du trône de France lui succède: c’est
Henri IV, qui ne pourra régner qu’après son abjuration, à Saint-Denis, en 1593.
Après
diverses péripéties, le Chablais devenu protestant depuis plus de cinquante ans,
avait été rendu à la France. Pour le ramener à la foi catholique, l’évêque et le
duc de Savoie envoient des missionnaires. François et son cousin Louis de Sales
quittent Annecy et entreprennent une campagne de missions parsemée de dangers et
d’embûches: calomnies, injures, brigands, menaces de mort contre le papiste,
sans compter les intempéries et le froid.
Pour mener à
bien cette campagne de conversion, François utilise tous les moyens:
prédications, actes de charité, célébrations liturgiques, tracts distribués à
domicile à la population du Chablais. Le combat est difficile, et François met
toujours en œuvre ses trois armes les plus efficaces: oraison, aumône et jeûne,
et il prêche une religion d’amour, d’union et d’unité; il ne veut que le bien
de l’Église et non sa propre gloire.”
Malgré tous
ces efforts l’imprégnation protestante avait été telle que les conversions ne
venaient pas vite. Il fallut attendre les Quarante Heures d’Annemasse en 1597,
puis celles de Thonon, les 29 et 30 septembre 1598, pour que l’on commençât à
enregistrer les premières abjurations.
En mars 1599
François fut nommé évêque de Nicopolis, et coadjuteur de l’évêque de Genève. En
1601 les régions de Bresse, du Buggey, le Valromey et le pays de Gex furent
rattachés à la France, et pour négocier la récupération des biens de l’Église,
François de Sales fut envoyé à Paris par Mgr de Granier, évêque de Genève.
François arriva à Paris le 22 janvier 1602, après vingt jours de voyage.
Le séjour de
François à Paris fut pour lui une révélation: il découvrit des saints, de vrais
saints, et en grand nombre. Il se lia d’amitié avec Bérulle, le chancelier de
Marillac, le capucin anglais Benoît de Canfeld, etc, et fréquenta le cercle de
Madame Acarie, fondatrice du Carmel en France. Grâce à ses appuis romains, il
favorisa l’introduction du Carmel réformé en France (1604) et la fondation de
l’Oratoire avec Bérulle.
François
repartit pour la Savoie en septembre 1602. La mort de son évêque, Mgr de Granier,
le désigna pour occuper d’office le siège épiscopal de Genève. Il fut consacré
le 8 décembre 1602. Dix ans plus tard, dans une lettre adressée à Sainte Jeanne
de Chantal, François de Sales expliquait les extases dont il bénéficia pendant
sa consécration épiscopale et lors de son intronisation à Annecy:
“... Dieu
m’avait ôté à moi-même pour me prendre à Lui et puis me donnerau peuple,
c’est-à-dire qu’Il m’avait converti de ce que j’étais pour moi en ce que je
fusse pour eux.”
Pendant 20
ans, François de Sales se consacra corps et âme à son apostolat et s’efforça
d’appliquer les décisions du Concile de Trente: catéchèse, prêches, direction
spirituelle, administration diocésaine, réforme du clergé et des ordres
religieux, rédaction d’ouvrages de spiritualité, et correspondance. Pour ce
faire, il allait mettre en œuvre les principes évangéliques: charité, prière,
pénitence, abnégation, soin des pauvres....
Comme Saint
Charles Borromée, son modèle, et Alain de Solminihac, François sera l’un des
grands artisans de la Réforme Catholique demandée par le Concile de Trente. Il
travailla surtout à la conversion de son clergé dont l’état était souvent
déplorable : superstition et magie se mêlaient à la liturgie, et les protestants
ne facilitaient pas la tâche des pasteurs catholiques. Mais la douceur de
François lui gagnait les cœurs.
C’est au
cours d’une retraite au château de Sales, avant de partir prêcher le Carême de
1604, à Dijon, que François de Sales eut la révélation qu’il était destiné à
fonder une congrégation nouvelle. Le 5 mars 1604, il rencontrait pour la
première fois celle qui devait devenir Sainte Jeanne de Chantal, cofondatrice
avec lui de l’Ordre de la Visitation, dont le jour officiel de naissance fut le
6 juin 1610.
Évêque
réformateur selon les recommandations du Concile de Trente, François de Sales,
Prince-évêque de Genève, visita son diocèse sans relâche, travailla à la
formation en profondeur des futurs prêtres. Pour cela, François s’attachait
lui-même à la formation du clergé et de ses prêtres, et à leurs tâches
essentielles: la confession et la direction spirituelle. Les laïcs bénéficiaient
aussi de ses prédications, de ses catéchismes, et des liturgies qu’il voulait
splendides. Tout devait être le plus digne possible pour la gloire de Dieu. Les
églises furent restaurées, les abbayes réformées, et des synodes diocésains mis
en place.
Ce que
voulait François de Sales, c’était, par des moyens simples, insuffler partout un
esprit de service et d’amitié entre les riches et les pauvres, les gens cultivés
et les ignorants. En effet, François aimait beaucoup la vertu de simplicité.
Parlant de lui-même, François de Sales écrivit à Jeanne de Chantal le 24 juillet
1607: “Non, de vrai, je ne suis nullement simple; mais j’aime si extrêmement
la simplicité que c’est merveille. À la vérité dire, les pauvres petites et
blanches colombelles sont bien plus agréables que les serpents; et quand il faut
joindre les qualités de l’un à celles de l’autre, pour moi je ne voudrais
nullement donner la simplicité de la colombe au serpent, car le serpent ne
laisserait pas d’être serpent; mais je voudrais donner la prudence du serpent à
la colombe, car elle ne laisserait pas d’être belle.”
Homme
d’action, ardent missionnaire, écrivain de génie, François de Sales était aussi
un véritable mystique qui prêchait une religion d’amour et d’union à Dieu. Quand
il fut sacré évêque de Genève, le 8 décembre 1602, il bénéficia d’une première
extase intérieure: il lui semblait que la “très adorable Trinité imprimait
intérieurement en son âme ce que les évêques faisaient extérieurement sur sa
personne.” On signalait parfois, autour de lui des phénomènes surnaturels
étranges: ainsi, le 25 mars 1615, on le vit entouré d’un globe de lumière.
1610 Le roi Henri IV est assassiné.
Le royaume de France va replonger dans le désordre...
La baronnie
de Gex ayant été cédée à la France en 1601, François s’y rendit pour y rétablir
le culte catholique. C’est au cours de ce voyage qu’il rencontra André Frémyot,
archevêque de Bourges, et frère de la baronne Jeanne de Chantal. Quelque temps
plus tard, désirant se rendre à Dijon, il fit une retraite au cours de laquelle
il eut la révélation qu’il était destiné à fonder un nouvel ordre religieux. En
mars 1604, il arriva à Dijon, et dès le début de sa prédication, le 5 mars 1604,
il rencontra Jeanne de Chantal[3].
Voyant le
prédicateur, François de Sales, Jeanne reconnut tout de suite le visage qui lui
était apparu en vision. François lui donna, peu de temps après, un premier
règlement de vie dans lequel il avait écrit: “Il faut tout faire par amour et
rien par force, il faut plus aimer l’obéissance que craindre la désobéissance.”
Plus tard,
Jeanne écrivit de son directeur qu’il voyait clairement dans le cœur de ses
dirigés comme au travers d’un cristal.
La fondation
“officielle” de la Visitation Sainte-Marie eut lieu le 6 juin 1610. Jeanne de
Chantal et ses trois compagnes, Jacqueline Favre, 18 ans, Jeanne-Charlotte de
Bréchard, 30 ans, et Anne-Jacqueline Coste, 50 ans, vinrent s’installer dans une
très pauvre maisonnette. Il s’agissait alors de fonder une congrégation féminine
ouverte aux personnes âgées, aux veuves ou aux femmes non mariées désireuses de
servir et de glorifier Dieu “sans se faire voir ni entendre dans le monde.”
Les
constitutions furent rapidement élaborées. Mais après l’ouverture d’une maison
de la Visitation à Lyon, en 1615, une nouvelle orientation dut être donnée à la
congrégation, le cardinal-archevêque de Lyon exigeant des vœux solennels et la
clôture absolue. François de Sales dut se plier à ces exigences. En 1618, le
pape Paul V autorisait l’évêque de Genève à ériger en ordre religieux,
l’institut de la Visitation Sainte-Marie.
Parallèlement à la fondation de la Visitation, François de Sales entreprit la
rédaction du Traité de l’Amour de Dieu, qui ne sera publié qu’en 1616.
L’activité
apostolique de François de Sales est inlassable, ce qui n’est pas sans lui
occasionner de nombreux désagréments. Ainsi, ses deux séjours apostoliques dans
le pays de Gex ne lui procureront que des ennuis, car, après avoir été calomnié,
il sera suspecté tant par la cour de Savoie que par la cour de France. Cependant
les conversions de protestants célèbres se multipliaient, notamment celle de
François de Bonne, duc de Lesdiguières.
En 1618, la
France et la Savoie étaient devenues alliées. Aussi le Duc de Savoie,
Charles-Emmanuel décida-t-il d’envoyer une ambassade à Paris, dans le but de
marier son fils: Victor-Amédée avec la Princesse Christine de France, sœur de
Louis XIII. François de Sales fut prié de se joindre au groupe. Le mariage fut
célébré le 10 février 1618, et François de Sales devint le grand aumônier de la
Princesse Christine.
À Paris
François de Sales retrouva d’anciens amis, dont Bérulle, et fit de nouvelles
rencontres, dont Vincent de Paul et Pierre Coton, ancien confesseur d’Henri IV.
Plus tard, à Tours, il fit la connaissance de l’évêque de Luçon, Armand-Jean du
Plessis de Richelieu, le futur cardinal. Le 1er mai 1619, il fondait à Paris une
maison de la Visitation dont il confia la direction à Vincent de Paul.
En octobre
1619 François de Sales était de retour à Annecy. Fatigué, il avait souhaité se
retirer dans l’ermitage de Saint-Germain, situé au-dessus de l’abbaye de
Talloires, pour se livrer à la rédaction d’un grand ouvrage, car disait-il
“il faut prendre de la tâche beaucoup plus qu’on en saurait faire et comme si on
avait à vivre longtemps, mais ne se soucier d’en faire plus que si l’on devait
mourir demain.” C’était une bonne résolution, mais les événements firent que
François dut rester sur la brèche...
Nous sommes
en 1622. En juin 1622, François de Sales dut, à la demande de Grégoire XV,
présider le chapitre de la Congrégation des Feuillants, à Pignerol, en Haute
Garonne. Puis, il séjourna pendant deux mois à Turin où il tomba malade. En
novembre 1622, il dut se rendre en Avignon, pour féliciter Louis XIII de sa
victoire sur les protestants du Languedoc. À la fin du mois, la cour et son
escorte se réunissaient à Lyon. François voulut loger à la Visitation de
Bellecourt. Là, il reçut beaucoup de personnalités parmi lesquelles Mr Jacques
Olier accompagné de sa femme, et de l’un de ses huit enfants: Jean-Jacques. Au
père et la mère inquiets de l’avenir de leur garnement de fils, François de
Sales déclara, s’adressant à la maman: “Madame, j’ai consulté Dieu sur la
vocation de cet enfant; soyez consolée: le ciel l’a choisi pour la gloire et le
bien de son Église.”
Le 11
décembre 1622, François de Sales rencontra aussi Jeanne de Chantal et règla avec
elle les affaires de la Congrégation”. Le soir de Noël il célébra la
messe à la Visitation, puis le lendemain à l’église des Dominicains. La
troisième messe fut célébrée en privé. Le 26 décembre, François de Sales eut un
ultime entretien avec les Visitandines et leur fit cette recommandation: “Que
l’amour de Dieu ne vous manque jamais... La perfection consiste à ne rien
demander et ne rien refuser et à être toujours prêtes pour l’obéissance.”
Le 27
décembre 1622 il s’entretint longuement avec les gouverneurs de Bourgogne et de
Lyon, puis rendit visite au duc de Nemours et au Prince de Piémont. À son
retour, et à sa demande, on lui administra l’extrême-onction. Le 28 décembre il
reçut encore des visites... Vers huit heures du soir, tandis que les personnes
présentes récitaient la prière des agonisants, François de Sales s’en retournait
à Dieu.
François de
Sales, évêque de Genève, fut béatifié en 1662, à Saint Pierre de Rome. Il fut
canonisé en 1665. C’est en 1877 qu’il fut proclamé Docteur de l’Église. Mais
pour nous, Saint François de Sales est surtout le Docteur de l’Amour. Écoutons
François nous redire que Dieu est un Dieu d’amour :
“Tout est
à l’amour, en l’amour, pour l’amour et d’amour en la Sainte Église.“ Et
encore :
“L’homme
est la perfection de l’univers, l’esprit est la perfection de l’homme, l’amour
celle de l’esprit et la charité celle de l’amour: c’est pourquoi l’amour de Dieu
est la fin, la perfection et l’excellence de l’univers.“
“L’amour
est la vie de l’âme comme l’âme est la vie du corps.”
Et pour ceux
qui n’ont pas d’attrait pour la mystique divine :
“Sitôt
que l’homme pense un peu attentivement à la Divinité, il sent une certaine douce
émotion de cœur qui témoigne que Dieu est Dieu du cœur humain...”
“Notre
Dieu nous commande d’être parfaits; mais en quoi consiste la perfection? C’est
chose assurée qu’elle n’est autre chose que la charité, qui comprend l’amour de
Dieu et du prochain. Néanmoins, selon la commune façon d’entendre, on n’appelle
pas parfaits tous ceux qui ont la charité, mais seulement ceux qui l’ont en un
degré sublime et éminent; c’est-à-dire ceux qui ont un amour de Dieu et du
prochain fort excellent.”
Saint
François de Sales est considéré comme le “Docteur de l’amour”. Ce titre que
l’Église lui a attribué le définit parfaitement. En effet, sa vie mouvementée
fut constamment illuminée par une charité débordante qui transparaît encore dans
cet extrait d’une lettre adressée à Jeanne de Chantal:
“Quand
sera-ce que nous serons tous détrempés en douceur et charité envers notre
prochain? Quand verrons-nous les âmes de nos prochains dans la sacrée poitrine
du Sauveur? Hélas! qui regarde le prochain hors de là, il court fortune de ne
l’aimer ni purement, ni constamment, ni également; mais là, mais en ce lieu-là
qui ne l’aimerait? Qui ne supporterait ses imperfections? Qui le trouverait de
mauvaise grâce? Qui le trouverait ennuyeux? Or, il y est ce prochain, ma très
chère fille, il est dans le sein et la poitrine du divin Sauveur; il y est comme
très aimé et tant aimable, que l’Amant meurt d’amour pour lui. Amant duquel
l’amour est en sa mort et la mort en son amour.[4]”
Depuis la
venue de Jésus sur la terre, puis sa mort sur la Croix, par amour pour tous les
hommes, et enfin sa résurrection, la Charité: amour de Dieu et amour des hommes
fut constamment le signe distinctif des Chrétiens.
De grands
saints tels Saint Bernard ou Sainte Catherine de Sienne, avaient su montrer,
avec ferveur, toute la richesse de l’Amour de Dieu qui attendait l’amour des
hommes en retour. Plusieurs siècles étaient déjà passés, et on l’avait un peu
oublié... Mais à une époque de guerres continuelles, civiles ou étrangères, de
disettes, voire de famines, où les épidémies mortelles, de peste ou de choléra,
semaient la terreur dans le peuple, Dieu suscita celui dont la douceur serait
comme le reflet de l’amour de Dieu pour les hommes ses enfants.
Avec
François de Sales nous découvrons l’amour de Dieu se manifestant dans la
tendresse, et parfois dans une tendresse pleine de sensibilité. Le grand
mystique que fut Saint François de Sales nous révéla cette tendresse amoureuse
de Dieu, et la mit, comme à notre disposition. Les enseignements de François de
Sales semblent s’adresser directement à nous, hommes du XXIème siècle, qui, à
cause d’un trop grand rationalisme, avons oublié la vérité de Dieu: sa
tendresse. C’est pourquoi il nous a semblé bon de nous attarder longuement sur
le Traité de l’Amour de Dieu qui nous fait redécouvrir l’essentiel du
message chrétien, et entrer dans le Cœur de Jésus, dans le Cœur du Père, donc
dans le Cœur de Dieu.
Paulette Leblanc
|