Ce fut à
l'occasion d'un tournoi que Gautier de Bierbeck renonça pour
toujours au siècle et se livra tout entier au service de Dieu sous
la protection de la Sainte-Vierge, dont l'intercession lui avait
valu plus d'une faveur du ciel. Il signala cette résolution en se
rendant un jour dans une église placée sous l'invocation de la Mère
du Seigneur. Là, la corde au cou, il se prosterna au pied de
l'autel, jura une fidélité éternelle à cette puissante médiatrice,
et, pour preuve de sa dévotion, il s'acquitta tous les ans d'une
offrande en honneur de la Mère de Dieu. Aux veilles des fêtes de la
Vierge, ainsi que les vendredis, il jeûnait toujours au pain et à
l’eau, donnant d'ailleurs l'exemple de toutes les vertus chrétiennes
; aussi Dieu lui accorda le don des miracles.
Cependant pour
pouvoir suivre avec moins de gène les inspirations de sa piété, il
se fit recevoir à Hemmerode dans l'ordre de Cîteaux, qui était alors
dans sa plus grande splendeur. On le chargea aussitôt, à cause de sa
modestie et de sa profonde piété, de la réception des étrangers. Sa
charité
envers les pauvres allait si loin qu'il leur distribua souvent tout
ce dont il pouvait disposer ; un jour en hiver il ôta ses souliers
et les donna à un malheureux qu'il rencontra dans la rue. Il aimait
la paix et se hâtait de porter des paroles de réconciliation partout
où il savait que la discorde avait séparé les esprits. Il possédait
à un haut degré le talent de dompter toute espèce de passion et de
ramener par ses paroles et par son exemple les brebis égarées. Il
parlait avec une onction particulière lorsqu'il s'agissait
d'affermir les faibles contre la tentation et de les armer de
courage et de persévérance, et il ne leur cachait pas les combats
pénibles que lui-même avait à subir. Il possédait éminemment le don
de la prière, et des larmes. Il aimait à prier debout, les yeux
tournés vers le ciel ; et c'est à table, où ordinairement il se
plongeait dans de profondes méditations sur le mystère de
l’incarnation, qu'il répandait surtout d'abondantes larmes.
Gautier termina
ses jours riches en vertu à Villers, abbaye de Cîteaux en Brabant,
l'année 1222, et selon toute apparence le 22 Janvier. Dieu a honoré
ses reliques par un grand nombre de miracles. On ne peut douter que
son culte n'ait existé autrefois dans le Brabant, mais on ne sait
pas s'il a été formellement canonisé.
Alban Butler : Vies
des pères, des martyrs, et des autres principaux saints…
traduction de
Jean François Godescard. |