Jurgis (Georges)
Matulaitis naît en 1871 en Lituanie à Lugine, tout près de la
frontière polonaise. À Marijanpole, sa paroisse, existe un couvent
de Clercs marianites et c’est l’un des religieux qui le baptise.
Jurgis
est le dernier d’une famille de 8 enfants, dont les parents sont de
petits cultivateurs. (Plus tard, dans ses études sociales, il
prendra volontiers l’exemple de ces cultivateurs qui aspirent à un
peu plus de terrain.) À l’époque où il vit, la Lituanie, annexée par
la Russie, sent peser sur elle le pouvoir tsariste. Pas de liberté,
ni politique, ni culturelle (le russe est obligatoire à l’école), ni
religieuse (les catholiques lituaniens sont oppressés par les Russes
orthodoxes). Il reçoit une bonne éducation en famille, mais à 10
ans, il perd ses deux parents. (Cela le rendra sensible plus tard à
la condition des orphelins, dont il s’occupera personnellement.) À
la même époque, il contracte une tuberculose osseuse à la jambe, qui
sera diagnostiquée plus tard, et dont il souffrira toute sa vie, ce
qui l’aidera à nourrir de la compassion pour les malades. L’enfant
doit marcher avec des béquilles. Plus moyen d’aller à l’école ;
alors il aide comme il peut à la ferme. Ce faisant, il garde au cœur
le secret désir d’entrer au séminaire. Grâce à un de ses parents,
professeur à Kielce en Pologne, il peut réaliser son projet et entre
en 1891 au séminaire de Kielce. Il change son nom de Matulais en
celui plus polonais de Matulevicz. Doué d’une intelligence
supérieure, il apprend aussi, en plus du lituanien et du russe, le
français, le polonais, l’allemand, le latin. Il va à
Piétrobourg continuer ses études théologiques et il est ordonné
prêtre le 20 novembre 1898. Puis il fait un doctorat à Fribourg, en
Suisse (1902). Sa thèse, qui dénote ses préoccupations œcuméniques,
porte sur la théologie orthodoxe russe.
D’abord vicaire
en paroisse, il est ensuite professeur au Grand Séminaire de Kielce.
Tombé malade, il se rétablit grâce à l’aide d’une bienfaitrice. Il y
voit l’intervention de la Providence et désormais, il comprend, et
explique aux autres, que la maladie peut être l’occasion d’exercer
un apostolat encore plus actif : Jésus n’a-t-il pas manifesté son
activité suprême dans l’œuvre de la rédemption lorsqu’il était
immobilisé sur la croix ? Très attentif aux pauvres, il étudie la
doctrine sociale de ‘Rerum novarum’, de Léon XIII (1891). Il a pu
observer personnellement la condition épouvantable des ouvriers,
notamment en Russie. Avec perspicacité, il ne se borne pas à décrire
la situation telle qu’elle apparaît, mais il en cherche les causes,
seule façon de leur apporter des remèdes adéquats. Par exemple,
lorsque certains attribuent tous les maux au Socialisme (marxiste),
il répond que ce sont plutôt les maux sociaux qui ont permis la
naissance du socialisme. Ce professeur ne néglige pas le ministère
des âmes (direction spirituelle et confessions) et c’est un bon
prédicateur. Dans son ardeur, il songe à évangéliser au-delà des
frontières, jusque dans les steppes de Sibérie. C’est aussi un zélé
promoteur de la vie religieuse : Il voudrait redonner vie aux
Marianites dont la Congrégation est presque éteinte, condamnée par
le régime tsariste. Au couvent de Marijanpole, par exemple, la
paroisse de son enfance, il ne reste plus qu’un seul Père. Alors,
avec lui, il se rend à Rome en 1909 pour demander l’autorisation de
relancer la Congrégation en la rénovant. Cela lui étant accordé, il
s’applique à réformer les Constitutions pour les adapter aux
nécessités des temps nouveaux. Lui-même devient religieux marianite.
Ayant été dispensé du noviciat, il fait profession à 38 ans le 14
juillet 1911. Puis, il est nommé Supérieur général. Il revient à
Saint-Pétersbourg où il reconstitue un noviciat marianite dans la
clandestinité. Ensuite, pour être plus libre, il transfère ce
noviciat à Fribourg. Il fait un voyage à Chicago où les émigrés
lituaniens le reçoivent triomphalement et il y fait une fondation
marianite avec noviciat (1913). Il en fait une autre avec noviciat
en Pologne, dans la banlieue de Varsovie. Après la guerre de 14-18,
la Russie affaiblie étant absorbée par ses problèmes internes, la
pression russe se relâche et la Lituanie connaît provisoirement une
relative indépendance. Le Père réalise alors son ancien désir et
redonne vie au couvent de Marijanpole, avec noviciat (1918). Puis,
il fonde les ‘‘Sœurs de l’Immaculée conception’’, connues par les
gens sous le nom de ‘sœurs des pauvres’. En Biélorussie, il fonde
les ‘‘Servantes de Jésus dans la Sainte Eucharistie’’.
Malgré ses
réticences, le pape Benoît XV le nomme évêque de Vilnius le 23
octobre 1918. Consacré à Kaunas le 1er décembre 1918, il
est installé à Vilnius le 8 du même mois. Sa devise est tirée de
saint Paul, son saint préféré: ‘‘triompher du mal par le bien’’ (Rm
12, 21). Durant son temps d’épiscopat, la Lituanie connaît une
période politique très agitée ; de 1918 à 1922, elle voit se
succéder 8 régimes politiques différents et opposés. L’évêque
s’efforce de ramener la paix. Personnellement, il ne veut prendre
parti pour aucun ; son seul et ardent désir est le salut des âmes,
son seul amour, l’Église, l’Immaculée, le Saint-Père. Il manifeste
un grand courage pour défendre les droits de l’Église et la liberté
des citoyens, ce qui lui attire de nombreuses inimitiés de la part
des différentes factions, mais il force l’admiration générale par
ses vertus extraordinaires. Toute son action si intense, en tant de
domaines, ne peut s’expliquer que par une profonde et constante
union à Dieu. Après huit années d’épiscopat, épuisé, il donne sa
démission. Elle est acceptée, mais, immédiatement, son ancien ami,
Pie XI, le nomme Visiteur apostolique de Lituanie, avec le titre
d’archevêque d’Adulia et il lui confie notamment une mission
importante : l’élaboration d’un concordat entre la Lituanie et le
Saint-Siège. Mgr Matulevicz fait tout le travail de base, mais il
meurt subitement à Kaunas, le 27 janvier 1927, âgé de 55 ans. Le
Concordat est signé peu après, le 17 septembre de la même année.
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