Jacques et Marcel Évêques de Tarentaise

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Jacques et Marcel
Évêques de Tarentaise, Saints
– 430 –

L'église de Tarentaise célèbre le même jour la fête de saint Jacques, premier évêque connu du diocèse, dont il est regardé comme le fondateur, et de saint Marcel, son premier successeur.

D'une illustre famille d'Assyrie, Jacques servait avec honneur dans les armées de la Perse, lorsque la persécution contre les catholiques lui révéla la sublimité de leur religion. Il abandonna tout, son grade, sa famille, ses richesses, sa patrie, et vint chercher la lumière chrétienne dans l'empire d'Orient, l'Église était alors si florissante.

Deux frères, Honorat et Venance, d'une famille consulaire de la grande Séquanaise, dans les Gaules, avaient embrassé le christianisme malgré leurs parents, s'étaient mis sous la direction d'un saint ermite, nommé Capraise, et avaient entrepris un pèlerinage en Orient. Ils cherchaient surtout à se pénétrer de l'esprit religieux qui régnait dans les solitudes de la Thébaïde. Jacques venait de recevoir le baptême et cherchait un ami, un guide dans les voies du salut. Il eut le bonheur de rencontrer nos deux pèlerins à Nicomédie et s'attacha tout spéciale-ment à Honorat. Venance mourut à Méthone, en Achaïe. Les trois autres retournèrent dans la Gaule transalpine, se mirent sous la direction de saint Léonce, évêque de Fréjus, et se retirèrent dans l'île de Lérins.

Évêque de l'an 1000

Saint Honorat sortait souvent de sa retraite pour aller évangéliser les campagnes et initier ses disciples à l'apostolat il remonta quelquefois le Rhône et la Saône jusque dans sa patrie, pour y gagner des âmes à Dieu. C'est ainsi qu'il convertit saint Hilaire, son successeur à Lérins. Ce fut dans une de ces excursions qu'il s'adjoignit Jacques et Maxime, ce dernier à Château-Redon, près de Digne, et les mena dans la province des Alpes graies, habitée par les Centrons (420). Déjà les premières lueurs du christianisme y avaient pénétré. Des missionnaires partis de Rome et se dirigeant sur Genève par l'Alpe graie et le Mont-Mercure (le petit Saint-Bernard et le Bonhomme), avaient évangélisé ces hautes vallées, entre autres colle des glaciers sur le Chappieu. Les moines de Lérins développèrent et étendirent ces précieuses semences. Mais ils eurent à lutter contre un genre d'idolâtrie quelque peu analogue aux obstacles qu'ils avaient d'abord rencontrés dans leur île. Les Romains avaient bien introduit leur Olympe dans la cité. Le culte do Mithras et des Mères, introduit à Rome, sous pompée, avait pénétré jusque dans les Alpes. Mais ces terribles montagnards qui avaient lutté avec tant d'énergie contre les testons de Jules César, avaient conservé leur culte national, celui du Serpent, et n'étaient pas disposés à l'abandonner. Le titre de Saint-Etienne, donné à la première église qui y fut établie, est un témoin des résistances et des menaces qui essayèrent d'empêcher l'œuvre de Dieu. Après quelques succès assez éclatants, les missionnaires, poursuivis par les plus endurcis, s'échappent par les montagnes de la vallée de Luce, aujourd'hui Beaufort, où ils purent former un petit noyau de chrétiens. Mais leur prédication fut de nouveau entravée par les guerres de l'Empire contre l'irruption des Barbares. Les Burgondes avaient envahi la province Viennoise (413) et pénétraient alors dans celle des Alpes graies et pœnines (423). Leur semi-christianisme compromettait encore le caractère tout pacifique de nos missionnaires. Ils durent rentrer dans leur solitude de Lérins, et rendirent compte du résultat de leur mission à saint Honorat qui les avait quittés dès la première année pour reprendre la direction de son monastère. Les vœux unanimes du clergé et du peuple l'appelaient alors sur le siège d'Arles, en remplacement de Patrocle, décédé (426). Son premier soin fut d'emmener avec lui son fidèle Jacques, de lui faire partager les soins de l'administration de son église et de l'initier aux fonctions pastorales auxquelles il le destinait.

Par suite des invasions, Arles avait succédé à Trèves comme chef-lieu du prétoire des Gaules. En devenant le centre des sept provinces, elle avait beaucoup nui à Vienne, son ancienne métropole civile et ecclésiastique. Les évêques d'Arles étaient devenus métropolitains, et le pape Zozime, pour des causes qu'il n'entre pas dans notre cadre d'examiner ici, avait attribué à Patrocle les ordinations de toute la province, à l'exclusion du métropolitain de Vienne. C'est pour cela que son successeur Honorat organisa le nouveau diocèse de Tarentaise (426). Cette cité annexée à la province des Alpes graies et pœnines par Constantin, avait été réunie de nouveau à la grande Séquanaise. Les deux autres cités, Octodure et Tarentaise, furent attribuées, sous le rapport ecclésiastique, la première à Milan, la seconde à Arles, puis à Vienne, lors du partage de la Viennoise, par le pape saint Léon (450). Jacques, ordonné évêque de Tarentaise, partit avec plusieurs prêtres que saint Honorat lui adjoignit (426). Se rappelant les dangers et les luttes de son premier apostolat, il crut faire un acte de prudence en arrivant sans éclat et presque clandestinement. Mais la grâce de Dieu avait changé les esprits: les premières semences de la parole divine avaient germé. La réputation de sa sainteté s'était répandue depuis son premier départ. On chercha le serviteur de Dieu, il dut exercer solennellement les fonctions épiscopales, et il y avait un grand concours à ses prédications. Les temples païens devinrent déserts et tombèrent en ruines lorsqu'ils ne furent pas transformés en églises ou en chapelles. On aurait dit que Dieu voulait récompenser dans l'évêque les premières fatigues du prêtre. Lorsque l'éloquence et les vertus du Saint ne suffisaient pas pour gagner des cœurs, Dieu y ajoutait des miracles. Il s'agissait de construire l'église principale. Les néophytes concouraient de toutes parts à apporter les matériaux nécessaires. Un attelage de bœufs traînait du bois à cette destination. Un ours s'élance tout à coup d'une forêt, tue l'un des bœufs et se met à le dévorer. Averti, le saint évêque accourt, ordonne à l'ours de se mettre à l'attelage en remplacement du bœuf et l'attache lui-même au joug. L'ouvrage terminé, les chasseurs se disposaient à tuer l'ours. Mais le bon pasteur les arrêta et renvoya l'ours qui ne reparut plus. Ce prodige et ceux qui suivent sont racontés non seulement dans les chartes de l'ancien diocèse de Tarentaise mais dans tous les suppléments du bréviaire et dans la vie de saint Jacques de Tarentaise, par Gui de Bourgogne, archevêque de Vienne, devenu pape sous le nom de Calixte II. Sa patrie, sa science, les nombreux conciles qu'il a tenus, la pacification des luttes du sacerdoce et de l'empire qu'il a heureusement terminée à Worms, tout concourt à faire admettre la véracité de son récit sur des faits passés dans les confins de sa province ecclésiastique. Ils sont du domaine de la tradition locale et se retrouvent encore dans les anciennes peintures des églises.

Un autre jour, une poutre destinée au toit d'une église se trouva trop courte de cinq pieds, le saint évêque l'aspergea d'eau bénite et elle acquit subitement la longueur voulue.

Cependant les Burgondes s'étaient maintenus dans la Viennoise et la moitié des Alpes graies, malgré les légions romaines. Honorius, ne pouvant les chasser (420), les avait subis comme alliés et auxiliaires contre de nouvelles invasions, et Théodose leur avait confirmé toutes leurs conquêtes dans les Alpes (423). Mais, à peine rattachés au christianisme, ces peuples étaient devenus Ariens. Libre et même protégée dans la haute vallée d'Isère, sous les chefs romains, la religion catholique souffrait dans les autres vallées occupées par les hérétiques. Le saint évêque de Tarentaise était désolé de voir l'exercice de son zèle entravé dans plus de la moitié de son diocèse.

Il se résolut à aborder le chef des Burgondes. Il partit avec un de ses néophytes, appelé aussi Jacques, et une bête de somme pour porter leurs bagages et quelques présents. Ils traversèrent les monts Jovet et Mercure (le col du Bonhomme). Le Saint évangélisa en passant la vallée de Sallanches qui touchait aux confins des anciens Centrons et où l'on adorait le dieu Mars. Deux accidents, arrivés pendant ce voyage, donnèrent à notre évêque l'occasion d'opérer plusieurs prodiges qui, avec l'éclat de ses vertus, manifestèrent sa sainteté dans tout le diocèse de Genève. Néanmoins, Gondicaire le reçut très-mal, et le Saint s'en retournait en secouant la poussière de ses souliers contre le palais de Genève, lorsque la maladie subite du fils du roi et les prières des grands le firent rappeler en toute hâte. II guérit le prince et obtint du père plusieurs concessions importantes sous le rapport matériel et moral car elles constituaient une reconnaissance officielle de l'organisation diocésaine dans le nouveau royaume de Bourgogne, en même temps qu'elles assuraient au siège une existence convenable. Elles furent maintenues par les empereurs d'Allemagne, et se conservaient encore au treizième siècle dans les luttes féodales des archevêques de Tarentaise avec les comtes de Genève, sur la vallée de Luce. Guillaume de Genève reconnaissait, en 1223, que toute la vallée de Luce ou de Beaufort avait été donnée à saint Jacques dans la fondation du diocèse.

Dieu permit que le retour du Saint fût marqué par un éclatant témoignage des grâces dont il était le dispensateur. Pendant son voyage, l'un de ses amis les plus dévoués était mort. Jacques voulut voir sa tombe il versa d'abondantes larmes, comme le Sauveur sur son ami Lazare, et la mort ne put résister à la voix de celui qui avait fait tant de prodiges. Dès lors son apostolat ne rencontra plus d'obstacles. La maison épiscopale s'éleva sur le roc Puppim, une des donations de Gondicaire, avec une chapelle en l'honneur de saint Pierre, prince des Apôtres. Comme à la voix de Moïse, une source jaillit pour le service du village qui porta le nom de Saint-Jacquemoz et qu'un éboulement a détruit quelques siècles plus tard. Plusieurs autres églises s'étaient élevées, entre autres celles d'Aime, de Granier, de Saint-Maxime, de Saint-Jacques de Luce, de Tignes, des Glaciers, de Villaroger et de Saint-Jacques-sur-Mâcot, de Longefoy, de Centron, des Allues, des Bellevilles, de Gemilly, de Thénésol. Son zèle s'étendit même dans la vallée d'Aoste, il fonda la chapelle de Saint-Jacques.

Il n'y avait que trois ans que saint Jacques avait reçu la consécration épiscopale, et déjà le pays était tout transformé. On pouvait dire de lui ce que l'Écriture dit du juste « Il a vécu beaucoup dans un court espace de temps ~). Le Seigneur ne lui fit point attendre sa récompense. Il y ajouta même une consolation que nous dirions humaine si elle ne se rattachait pas à la mort des Saints. Saint Honorât et saint Jacques s'étaient liés, comme on a vu, dans une intimité toute spirituelle. Ils avaient tous deux déployé à la face des peuples les vertus pratiquées dans une émulation mutuelle de tout ce qui pouvait être plus agréable au divin Maitre. Il ne voulut point les séparer à la mort. Saint Jacques, éclairé divinement sur sa fin prochaine et sur celle de son saint ami, désigna son successeur à son peuple, et partit pour Arles, il eut le bonheur de rendre à Dieu son âme pleine de mérites, le même jour que le saint archevêque de cette ville; le huitième ou le neuvième jour après l'Épiphanie de l'an 429.

La ville d'Aimer qui avait été la plus empressée à écouter la parole sainte, méritait de donner à l'Apôtre des Centrons son premier successeur. Ce fut en effet au prêtre MARCEL, de cette ville, homme d'une vertu éprouvée, dit la légende de l'ancien bréviaire, que saint Jacques résigna sa charge pastorale avant de partir pour Arles. Saint Jacques avait fourni la carrière de l'Apôtre et du Thaumaturge, il avait ébranlé les populations, il avait renversé le paganisme la tâche du missionnaire était bien avancée. Restait celle de l'organisation définitive. Les masses étaient chrétiennes, mais il n'y avait pas encore de centre à ce diocèse Il y avait des ouvriers évangéliques, il n'y avait pas encore un clergé hiérarchiquement constitué. Ce fut l'œuvre de saint Marcel. Formé à l'école de son cher maître, identifié, pour ainsi dire, à ses principes qui étaient ceux du monastère de Lérins, il éleva dans les ruines de la cité de Tarentaise, sur la rive droite de l'Isère, une maison centrale les prêtres devaient vivre en communauté.

Paul Guérin, Les petits Bollandistes : vies des saints. T. I.

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