20 mars
Larmes de nostalgie...
Mon bon Père...
Cela ne me semble pas une réalité mais un rêve : recevoir une
lettre de vous et pouvoir y répondre ! Pourrai-je le faire ? J’attends des
ordres. En effet, je ne veux pas désobéir. J’écris, mais encore avec crainte. Le
monde est si mauvais. Il est vrai que je n’ai commis aucun crime pour être
traitée de la sorte. Mais il est vrai qu’il vaut mieux souffrir toute une vie
innocente qu’un seul instant coupable. Combien belle est l’obéissance, et
combien elle plaît à Jésus !
Votre lettre m’est arrivée le 13. Ce fut un cadeau de Jésus
et de la Maman du ciel. Je l’ai beaucoup aimée, mais ce contentement ne
m’appartenait pas, ce n’était pas le mien.
Involontairement j’ai versé des larmes : larmes de nostalgie,
de paix et de résignation.
Cela fait aujourd’hui un mois que mon âme vous a vu partir et
vous a accompagné avec une grande souffrance, sur la haute mer, lors de votre
long et douloureux voyage. La vision était claire. Elle vous a accompagné jour
et nuit. Jour après jour elle devenait plus faible ; entre le premier et le deux
mars, elle a disparu. Mon âme cessa de vous voir, mais non point de vous sentir.
Si seulement vous saviez comment il est ce sentiment ! Ou mieux, si je savais
m’expliquer !...
La distance qui nous sépare nous a unis nos âmes plus
fortement que jamais... De la même façon que je suis unie à Jésus et que je ne
cesse pas de penser à Lui, de la même manière je suis unie à l’âme de mon Père
spirituel et je me le rappelle toujours avec une profonde nostalgie : nostalgie
qui de temps à autre me mène aux larmes ; et ce n’est qu’au prix d’un grand
effort que je réussis à les cacher.
Quelquefois j’examine ma conscience: s’agit-il d’un
attachement et d'une affection exagérée ? Non, ce ne l’est pas. Et je reste en
paix. Jésus voit et Jésus le sait. Je n’échangerais pas l’amour de Jésus contre
l’amour de mon Père et celui de toutes les créatures du monde entier. Jésus est
le commencement et la fin de ma vie ; c’est sans doute Lui qui a ainsi uni nos
âmes.
Quatre ans après notre dure et douloureuse séparation, quand
je croyais ne plus pouvoir résister aux désirs et aux souhaits de vous voir
revenir m’encourager et guider mon âme vers Jésus, un coup encore plus dur est
arrivé. Un douloureux poignard a été enfoncé dans mon cœur: ce poignard ne sera
plus enlevé, et la blessure de celui-ci ne se refermera pas avant que vous ne
retourniez ici.
J’ai attendu jusqu’au dernier moment, convaincue que vous ne
partiriez pas. Mais, que Jésus soit loué ! Toute la vie ne suffira pas, toute
l’éternité ne suffira pas pour le remercier d’une aussi grande grâce: il est
venu Lui-même me raffermir et m’apporter résignation. J’ai beaucoup pleuré, mais
silencieuse, calme et sereine.
Le malin m’a tourmentée m’inspirant des doutes et en me
montrant ma vie comme inutile, mais, avec la grâce de Dieu, j’ai tout vaincu et,
ce me semble, sans offenser Jésus. Il sait très bien que s'il me manque, tout me
manque. Il connaît l’abandon dans lequel je me trouve...
Le Père Umberto est bien mon ami et comprend très bien mon
âme, mais très vite, lui aussi, a été interdit de venir.
Toutefois, bien qu'il me comprenne et m’ait soutenue dans des
heures aussi tragiques, j’ai toujours senti que mon Père spirituel était la
première et la dernière lumière de mon âme. Vous n’avez jamais cessé d’occuper
dans mon cœur la même place; Jésus ne vous a pas enlevé de là. Vous étiez et
êtes toujours le premier pour qui je prie. Et le Père Umberto, le pauvre, me
disait :
— Je ne veux en aucun cas m’ingérer dans les affaires
d’autrui. Je ne veux que soutenir votre âme. Votre vrai directeur c’est le Père
[Pinho].
Pauvre de moi, et pauvre Deolinda, si le Seigneur, tout au
long de ces années ne nous avait envoyé un médecin aussi bon et saint! Personne
ne voudrait se trouver dans sa situation. Il est notre ami, ami solide de la
cause de Dieu; il est aussi votre ami, mon Père, un ami sincère...
Le Père Alberto lui aussi m’aime bien, et sais très bien
pardonner les péchés. Que beaucoup de grâces et louanges soient rendues au
Seigneur !...
A quand l’heureuse nouvelle de votre retour, avec la liberté
de pouvoir prendre soin de mon âme jusqu’à la fin des fins ?...
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