Macaire le grand - Butler.htm

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MACAIRE D’ÉGYPTE
Surnommée Macaire, l’ancien, Père du Désert, Saint
ca. 300-390

Ce saint, qui naquit dans la haute Égypte, vers l'an 3oo, fut employé dans sa jeunesse à garder les troupeaux. Dans son enfance, il lui arriva un jour de voler des figues avec ses camarades, et d'en manger une. Il ne pouvait dans la suite se rappeler cette action sans la pleurer amèrement, comme si c'eût été un crime '. Il était encore jeune, lorsque la grâce lui inspira le dessein de quitter le monde. Docile à ses impressions, il se retira dans une petite cellule située auprès d'un village, en Égypte. Au travail des mains, qui consistait à faire des paniers, il joignait une prière continuelle et la pratique des plus grandes austérités. La paix qu'il goûtait dans le service de Dieu fut bientôt troublée par la plus délicate des épreuves. Une fille du voisinage, devenue enceinte, l'accusa de l'avoir déshonorée. Il n'en fallut pas davantage pour l'exposer aux plus indignes traitements : on le traîna ignominieusement dans les rues ; on le battit, et on l'outragea comme un hypocrite qui cachait le cœur le plus corrompu sous l'habit d'un anachorète.

Macaire, assuré de son innocence, ne se mit point en peine de la justifier : il souffrit les coups et les insultes avec une patience admirable. Il fit plus ; il se chargea de pourvoir à la subsistance de son accusatrice, en lui envoyant ce qu'il retirait de ses corbeilles. « Eh bien ! Macaire, se disait-il à lui-même, tu as trouvé » une femme, tu dois donc redoubler ton travail, afin d'être en » état de la nourrir. » Mais Dieu ne tarda pas à manifester l'innocence de son serviteur. Le terme de cette misérable fille étant arrivé, elle ressentit d'horribles douleurs, et ne put mettre au monde son enfant que lorsqu'elle en eut nommé le véritable père. Le peuple ouvrit les yeux; et sa fureur se changea en admiration, quand il vint à réfléchir sur la patience et l'humilité de notre saint. Il lui aurait même donné des preuves publiques du respect et du repentir dont il était pénétré, si Macaire, qui redoutait le poison de l'estime et des louanges, ne se fût retiré dans le désert de Scété, où il passa les soixante dernières années de sa vie. Malgré le soin qu'il prenait de cacher ses vertus, elles ne laissèrent pas de jeter au loin le plus vif éclat. Aussi plusieurs personnes vinrent-elles se mettre sous sa conduite, pour apprendre de lui les moyens de parvenir à la perfection. De tous ses disciples, il n'en retenait qu'un avec lui, pour avoir soin des étrangers; les autres demeuraient dans des ermitages séparés les uns des autres.

Un évêque d'Égypte, qui connaissait l'éminente sainteté de Macaire, jugea qu'il était à propos de l'élever au sacerdoce. Il l'ordonna donc prêtre, afin qu'il pût célébrer les divins mystères pour la commodité de cette sainte colonie, qui croissait de jour en jour. Comme elle se trouva considérablement augmentée au bout de quelque temps, on bâtit quatre églises dans le désert, et chacune d'elles eut un prêtre pour la desservir.

Les austérités de Macaire étaient extraordinaires ; il ne mangeait qu'une fois la semaine ; aussi son visage était-il fort pâle, et son ' corps extrêmement faible. Eva gré, son disciple, brûlé d'une soif ardente, lui ayant un jour demandé la permission de boire un verre d'eau, il lui répondit : « Contentez-vous d'être à l'ombre ; plusieurs personnes sont actuellement privées du même soulagement. Depuis vingt ans je n'ai jamais mangé, ni bu, ni dormi qu'autant qu'il le fallait pour soutenir la nature. »

II avait entièrement renoncé à sa volonté propre, pour ne faire que celle des autres, et c'était pour cela qu'il ne refusait point de boire le vin qu'on lui présentait ; mais ensuite il se privait de toute espèce de boisson pendant deux ou trois jours, afin de se punir en quelque sorte de sa complaisance. Évagre, qui s'en aperçut, pria les étrangers de ne lui plus offrir de vin.

Les instructions qu'il donnait aux autres étaient conçues en peu de paroles, et avaient pour but principal de recommander le silence, la prière, le recueillement, l'humilité et la mortification : vertus qu'il possédait lui-même dans le plus parfait degré. « Quand vous priez, disait-il, il n'est pas besoin d'user de beaucoup de paroles. Il suffira de répéter souvent dans la sincérité du cœur ce peu de mots : “Seigneur, faites-moi miséricorde de la manière” que vous jugerez m'être la plus utile. Mon Dieu, secourez-moi. » Il connaissait par expérience l'efficacité de ces oraisons jaculatoires, et il n'y en avait point qu'il aimât tant que celle-ci, qui est tout à la fois le langage de la résignation et de l'amour : « Seigneur, ayez pitié de moi de la manière que vous le voulez, et que vous savez être plus conforme à votre bonté. »

On ne pouvait se lasser d'admirer la douceur et la patience de Macaire. Rien n'était capable d'altérer en lui ces deux vertus. Un prêtre païen et plusieurs autres infidèles en furent si frappés, qu'ils se convertirent à la religion chrétienne. Son humilité n'était pas moins admirable : elle tira un jour cet aveu du démon lui-même. « Macaire, disait-il au serviteur de Dieu, je peux bien te surpasser en veilles, en jeûnes et en plusieurs autres choses ; mais ton humilité me confond et me désarme. »

Plusieurs personnes s'empressaient de toutes parts d'aller consulter le saint abbé. De ce nombre fut un jeune homme qui voulait embrasser la vie solitaire. Macaire lui ordonna de se rendre dans un lieu rempli de morts, et de leur dire des injures. Il l'y fit retourner une seconde fois pour leur donner des louanges. A son retour, il lui demanda quelle réponse les morts lui avaient faite. « Ils n'ont répondu, dit le jeune homme, ni aux injures ni aux louanges. Allez donc, reprit le saint, et imitez leur insensibilité. Si vous mourez au monde et à vous-même, vous commencerez à vivre pour Jésus-Christ. » Comme nous ne pouvons rapporter toutes les paroles de Macaire, nous nous contenterons de citer; quelques exemples. On jugera par là des progrès qu'il avait faits dans la vie spirituelle.

Il dit un jour à une personne : « Si vous recevez de la main de Dieu la pauvreté comme les richesses, la faim et la nécessité comme l'abondance et les festins, vous terrasserez à coup sûr l'ennemi de votre salut, et vous dompterez toutes vos passions. » Un anachorète se plaignant à lui de ce qu'une faim dévorante le sollicitait toujours à rompre le jeûne dans la solitude, au lieu que dans le monastère il passait aisément des semaines entières sans manger, il lui répondit agréablement : « C'est, mon fils, que dans le désert vous n'avez personne qui soit témoin de vos jeûnes, qui vous soutienne et vous nourrisse de ses louanges ; au lieu » que la vaine gloire était votre nourriture dans le monastère, où le plaisir de vous distinguer des autres par votre abstinence vous valait un bon repas. » Un autre anachorète l'ayant consulté sur les moyens de vaincre les efforts de l'esprit impur qui le tentait violemment, le saint, qui vit que ces tentations venaient de l'oisiveté, lui conseilla de s'occuper fortement de son travail, de ne pas le discontinuer pendant tout le jour, et de ne manger qu'après le coucher du soleil. Le solitaire obéit de point en point, et fut délivré de ses peines.

Macaire apprit un jour par révélation qu'il n'était pas encore aussi parfait que deux femmes mariées qui demeuraient dans une ville voisine. Il partit aussitôt pour les visiter : il trouva effectivement qu'elles menaient la vie la plus sainte. Attentives à veiller sur leurs langues, elles ne prononçaient jamais de paroles inutiles. Humbles, patientes, douces, complaisantes pour leurs maris, elles se conformaient en tout à leurs volontés, lorsque la loi de Dieu n'y mettait point d'obstacle. Toujours recueillies, elles recouraient fréquemment à Dieu par des oraisons jaculatoires, afin de lui consacrer sans cesse toutes les puissances de leurs âmes et de leurs corps.

Outre le don de prophétie, notre saint avait encore celui des miracles. Il en donna une preuve éclatante dans une occasion où il s'agissait de confondre l'erreur. Un hérétique de la secte des Hiéracites s'était insinué dans le désert,' où il répandait ses dogmes impies. Quelques solitaires, émus de ses discours captieux, étaient en danger de perdre la foi. Macaire en fut alarmé, et opposa la doctrine de l'Église aux vains sophismes de l'hérétique. Mais, comme il avait affaire à un ennemi souple et rusé, qui persistait toujours à débiter ses chimères, il proposa de confirmer par un miracle la croyance que ses frères et lui avaient eue jusqu'alors. Il ressuscita effectivement un mort, ce qui couvrit l'hérétique de confusion, et affermit les solitaires dans la vraie foi.

Ce fut par une suite de ce même attachement à la foi catholique, que S. Macaire et ses disciples détestèrent toujours les impiétés de l'arianisme. Luce, patriarche arien d'Alexandrie, convaincu par l'expérience que les solitaires étaient inébranlables dans la doctrine des Pères du concile de Nicée, envoya des troupes dans les déserts pour les disperser. Il y en eut plusieurs qui remportèrent la couronne du martyre ; mais les principaux, d'entre eux, tels que les deux Macaire, Isidore, Pambon, etc. furent relégués, par l'ordre de l'empereur Valens, dans une petite île d'Égypte, environnée de marais. On vit bientôt dans cette île un changement prodigieux. Les païens qui l'habitaient, instruits par les saints confesseurs, renoncèrent au culte de leurs idoles, et reçurent le baptême. Dès que le peuple d'Alexandrie eut appris cette nouvelle, il chargea Luce de malédictions, pour avoir exilé des saints qui n'étaient occupés que du soin de plaire à Dieu et d'accroître le royaume de Jésus-Christ. On cria de toutes parts à l'injustice et à l'impiété, de sorte que le patriarche, qui craignait une sédition, permit aux solitaires bannis de retourner dans leurs cellules.

S. Macaire, rendu à la solitude, reprit ses exercices ordinaires. Ayant connu quelque temps après qu'il était proche de sa fin, il fit une visite aux solitaires de Nitrie. Il leur donna des instructions si touchantes sur la componction, qu'ils se prosternèrent tous à ses pieds, les yeux baignés de larmes : « Pleurons, mes frères, leur disait-il ; que nos yeux versent sans cesse des torrents de larmes dans cette vie, de peur que nous ne tombions dans cet abîme où elles ne serviraient qu'à donner une plus grande activité au feu qui brûlerait nos corps. » Le saint ne survécut pas de beaucoup à cette visite ; il sortit de ce monde en 39o, pour aller recevoir la récompense de ses travaux. Il était âgé de quatre-vingt-dix ans, et en avait passé soixante dans le désert de Scété.

Notre saint paraît avoir été le premier anachorète qui ait habité cette vaste solitude. Cassien le dit expressément '. Quelques auteurs lui donnent le titre de disciple de S. Antoine ; mais leur opinion n'est appuyée sur aucun fondement solide. On trouve le nom de S. Macaire d'Égypte au 15 de janvier dans le Martyrologe romain, et au 19 du même mois dans les Menées des Grecs.

Nous avons encore cinquante homélies qui portent le nom de S. Macaire. Le premier éditeur de ces homélies les attribue à S. Macaire d'Égypte; ce que font aussi quelques manuscrits. Mais le père Poussines les regarde comme l'ouvrage de Macaire de Pispir, qui eut soin de S. Antoine pendant sa maladie, et qui paraît avoir été plus ancien que ceux d'Égypte et d'Alexandrie. D'autres ont cru que le Macaire dont il s'agit était celui d'Alexandrie. Dupin et Tillemont se sont déclarés pour celui d'Égypte. Leur opinion a été adoptée et fort bien défendue par un savant anglais, qui a donné une bonne traduction de ces homélies.

Dom Ceillier a porté de ces homélies un jugement assez désavantageux, à cause de quelques endroits qui semblent favoriser le pélagianisme. Mais les passages qui ont choqué cet habile bénédictin peuvent s'expliquer par d'autres passages où cette hérésie est ouvertement condamnée. Il n'y règne pas un certain ordre, ce qui vient sans doute de ce qu'elles furent composées pour répondre à diverses questions proposées par des moines. L'auteur était certainement fort versé dans la connaissance des voies intérieures de la piété.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card.

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