Alexandrina
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MOURIR... POUR L'AIMER ÉTERNELLEMENT !
Le 29 mars 1955, le
serviteur de Dieu avait travaillé inlassablement à l'archevêché, selon son
habitude, d'autant plus
Cette même nuit, il écrivit encore une lettre, la dernière, adressée à monseigneur Avelino Gonçalves, directeur de Novidades et de l'União Gráfica. A minuit il téléphona, ce fut son dernier appel téléphonique, aux Servantes de la sainte Église qu'il avait fondées depuis longtemps et qu'il aimait profondément. Il avait eu beaucoup de travail ce jour-là. Il avait reçu plusieurs personnes et dicté plusieurs lettres très importantes à son secrétaire. Dans l'une d'entre elles il disait, sentant peut-être sa mort prochaine : Je ne voudrais pas comparaître devant Dieu sans avoir réglé cette affaire qui me préoccupe tellement. Il interrompra ce travail épuisant juste pour réciter le chapelet et faire le mois de saint Joseph avec ses familiers avant le dîner. Mais une thrombose coronarienne guettait sa victime. Le lendemain matin, vers 5 heures, le serviteur de Dieu se sentit mal. il tira la sonnette d'alarme. Ses familiers accoururent Il demanda l'absolution à son secrétaire personnel, monseigneur Pantalião José Costeira. Le serviteur de Dieu partit pieusement et serein pour la maison du Père, le dernier jour du mois de mars, un mercredi, jour et mois consacrés à saint Joseph, patron de la bonne mort, au terme d'un pèlerinage terrestre de 79 ans, pleuré par ses proches, universellement regretté par la ville d'Évora, l'archidiocèse et le pays tout entier à travers lequel les premières émissions de la radio nationale répandirent la triste nouvelle. La municipalité d'Évora et la sainte maison de la miséricorde se réunirent le jour même en session extraordinaire pour exprimer leurs condoléances. La municipalité ne se limita cependant pas à exprimer des condoléances. A la demande de l'adjoint municipal Coelho Serrano fut décidé à l'unanimité de donner le nom de monseigneur Manuel Mendes da Conceição Santos à une des artères de la ville, et à la demande du maire, João Luís Zagalo Vieira da Silva, fut approuvé aussi à l'unanimité l'érection d'un monument en son honneur sur la place des Collégiales, en face du grand séminaire, ce centre de formation dont l'existence et le but furent au centre des préoccupations de l'illustre prélat tout au long de sa vie [1]. L'éminente figure du prélat et son œuvre admirable furent évoquées à l'assemblée nationale par les députés d'Evora. Les chefs de l'État et du gouvernement, le Vatican, la nonciature apostolique, les épiscopats portugais et espagnols, les autorités civiles, le clergé et les fidèles du pays tout entier s'associèrent à la douleur de l'archidiocèse d'Évora. La dépouille mortelle du serviteur de Dieu fut veillée par des milliers de personnes, d'abord dans le salon d'apparat de l'archevêché puis, de l'après-midi du 30 mars jusqu'au matin du 1er avril, dans la basilique métropolitaine. Après la cérémonie des obsèques elle fut solennellement conduite, sous un radieux soleil printanier contrastant avec l'hiver venteux de l'entrée à Évora le 11 février 1921, au cimetière de Notre-Dame des Remèdes, en attendant le retour définitif dans sa cathédrale. Presque tous les évêques du pays, les ministres du gouvernement, l'ensemble du clergé et des autorités civiles de l'archidiocèse participèrent à ces funérailles qui furent une apothéose. Un détail particulièrement émouvant impressionna alors tout le monde et surtout son futur successeur sur le siège archiépiscopal, monseigneur Manuel Trindade Salgueiro, qui présidait les funérailles : l'amour des prêtres et des fidèles envers leur défunt archevêque s'exprimant par d'abondantes larmes. C'était effectivement pour notre diocèse la fête de Notre-Dame des Sept Douleurs que la liturgie de l'Église célébrait ce jour-là. Le serviteur de Dieu avait eu une si grande dévotion envers elle, qu'il conservait dans l'oratoire de sa chambre à coucher un beau tableau la représentant. C'est d'elle qu'il prit congé avant de partir pour l'éternité, dans l'impossibilité d'aller ce jour au septénaire des Douleurs à Coruche où il avait l'habitude de prêcher une retraite aux darnes. Aux cérémonies du 30e jour, présidées dans la basilique métropolitaine par son éminence Emmanuel Gonçalves Cerejeira, le vénérable cardinal archevêque de Lisbonne, le dévoué collaborateur et ami du serviteur de Dieu, monseigneur José da Cruz Moreira Pinto, évêque de Viseu, exalta lors de l'éloge funèbre la, sainteté du défunt et émut l'assistance qui remplissait la plus grande cathédrale portugaise en lisant l'acte d'offrande que l'archevêque avait fait en 1927 en faveur des âmes, surtout des âmes sacerdotales, et qu'il avait signé de son sang : Très doux Jésus. afin de témoigner de la magnificence de votre amour. en réparation pour mes infidélités et pour conduire à vous les âmes. je me consacre entièrement et sans réserve à votre Sacré-Cœur pour lequel je veux vivre et dans lequel je veux mourir. Désormais je ne m'appartiens plus à moi-même .je fais le sacrifice de tous mes désirs. de toutes mes joies. de tous mes droits. de tout ce que je possède et de tout mon être à votre gloire et à votre amour. Je vous confie ma vie et ma réputation. ma santé et mon ministère ; commandez. Disposez : vous êtes le Maître absolu. Je vous fais le sacrifice de ma liberté. et je suis prêt à obéir à qui vous voudrez. Pourvu que votre Cœur règne. pourvu qu'il soit aimé. même au prix de ce que j'ai de plus cher. je serai content. Je vous fais le sacrifice des consolations que pourra me procurer mon apostolat : que vous et vous seul connaissiez les fruits de mes peines. Il me suffit que vous régniez. que vous fassiez chaque jour de nouvelles conquêtes: je veux rester ignoré. Immolé ainsi à votre amour, devenu votre pauvre victime, je deviendrai pour vous le tabernacle vivant d'un Christ vivant ; que vous viviez en moi et que je vive en vous. voilà ce à quoi j'aspire ! Que je vous donne les âmes que vous m'avez confiées. surtout les âmes des prêtres. et je serai parvenu à la félicité que je souhaite. Je sais que je suis faible et inconstant, je sais que je suis indigne, et vous le savez mieux que moi, c'est pour cela que je mets ma confiance en vous et que j'implore de vous la grâce d'être fidèle. La seule condition que je pose à mon offrande, la voici : que vous soyez ma force et mon soutien. Me voici, Jésus, votre esclave. Acceptez ma pauvre offrande, des mains de votre très sainte Mère qui est aussi la mienne, et à qui je demande d'être ma caution auprès de vous. Fiat ! Amen ! Premier vendredi de décembre 1927 Ego, Manuel. vinctus Christi. Vinctus Christi, c'est-à-dire prisonnier du Christ ou prisonnier par amour du Christ. est une expression fréquemment employée dans les épîtres de saint Paul. La même pensée se retrouve explicitement dans les notes spirituelles de monseigneur Mendes, l'année suivante : Comme saint Paul, je veux être. je serai "vinctus Christi", le captif. le prisonnier de notre Seigneur Jésus-Christ, son prisonnier pour toujours dans les chaînes de son amour. Je sais que je vais à la rencontre de dangers et d'embûches. des tentations de chaque jour ; mais je demande à mon Seigneur de ne plus jamais m'ôter ces chaînes. Ma vie lui appartient. et je le conjure de me l'enlever avant qu'elle ne lui cause le moindre déplaisir. Ou aimer Jésus ou mourir... pour l'aimer éternellement. [1] En effet, on donna le nom de monseigneur Manuel Conceição Santos à une des nouvelles artères de la première zone d’urbanisation. Quant au monument dont le sculpteur Armando Mesquita réalisa la maquette, la municipalité présidée par Serafim de Jésus Silveira junior, qui avait pensé honorer par un monument individuel chacun des grands archevêques d'Évora de ce siècle — Augusto Eduard Nunes, Manuel Mendes da Conceição Santos et Manuel Trindade Salgueiro —, après avoir consulté l'archevêque et son chapitre, décida d'exprimer l'hommage par une statue en l'honneur du premier archevêque d'Evora, le cardinal infant Henri, grand mécène de la ville. On attend à présent que la municipalité d'Évora dispose des fonds nécessaires à l'érection, sur la belle place des Collégiales, de la statue offerte par le ministère des travaux publics à la ville.
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