Grand et glorieux mystère. L'Enfant est circoncis et reçoit le nom
de Jésus. Pourquoi cette circoncision ? À
première
vue la circoncision paraît devoir être subie par celui qui est sauvé
plutôt que par le Sauveur, et il semble que ce soit au Sauveur de
circoncire et non pas d'être circoncis. Mais songez qu'il est le
Médiateur entre Dieu et les hommes et que, dès les premiers instants
de sa Nativité, il a associé les choses humaines aux choses divines,
les plus basses aux plus sublimes. Il naît d'une femme, mais d'une
femme en qui le fruit de la fécondité n'a pas fait tomber la fleur
de la virginité. Il est enveloppé de pauvres langes, mais ces langes
sont honorés par les louanges angéliques. Il est caché dans une
crèche, mais une étoile brille dans le ciel pour annoncer sa venue.
C'est ainsi que la circoncision démontre combien est réelle
l'humanité dont il s'est revêtu, tandis que son nom qui est
au-dessus de tout nom indique la gloire de sa majesté. Il est
circoncis comme vrai fils d'Abraham, il est nommé Jésus comme vrai
Fils de Dieu.
Et en effet le nom que porte mon Jésus que voici, n'est pas, comme
chez ceux qui l'ont précédé, un nom vide de signification et sans
portée. Il n'y a pas en lui le reflet d'un grand nom, mais sa
vérité. L'Évangéliste ne nous atteste-t-il pas que ce nom vient du
ciel et qu'il a été indiqué par l'Ange avant même la conception ?
Voyez la profondeur de cette parole : Après que Jésus fut né, Jésus
fut nommé par les hommes du nom qui lui avait été assigné par l'Ange
avant sa conception. Or il est Sauveur de l'ange aussi bien que de
l'homme, mais de l'homme depuis l'Incarnation, et de l'ange depuis
le début de la création. Il a été appelé, dit Luc, du nom de Jésus
qui lui avait été donné par l'Ange. Le
dire de deux ou trois témoins certifie tout verbe (Deut
19,15). Et ce verbe que le prophète nous montre diminué, nous lisons
clairement dans l'Évangile qu'il s'est fait chair.
C'est à juste titre que l'enfant né pour nous reçoit, au moment de
la circoncision, le nom de Sauveur. Déjà, en répandant pour nous son
sang très pur, il commence à accomplir notre salut. Les chrétiens
n'ont pas à se demander pourquoi le Seigneur a voulu être circoncis.
Il a été circoncis pour le même motif qu'il est né et qu'il a
souffert. De tout cela, il n'a rien fait pour lui ; il a tout fait
pour ses élus. Il n'a pas été conçu dans le péché, il n'a pas été
circoncis à cause du péché ; il n'est pas mort pour avoir péché,
mais bien pour nos péchés. Il a été nommé, dit l'Évangile, par
l'Ange, avant sa conception. Le mot "nommé" est tout à fait exact,
le nom n'a pas été imposé. Ce nom, c'est le sien de toute éternité.
C'est sa nature propre, d'être Sauveur. Ce nom lui appartient donc
de naissance ; il ne lui a été donné par aucune créature humaine ou
angélique.
Homélie de saint Bernard Abbé |