Saint Théodose,
chef et pilote de ceux qui menaient la vie communautaire en
Palestine (cénobiarque = «chef des cénobites») et astre brillant
pour l'éternité dans le firmament spirituel, naquit vers 423 dans le
village de Garissos, en Cappadoce, de parents pieux et craignant
Dieu, qui lui inspirèrent l'amour des saintes vertus et de
l'application aux Saintes Ecritures. Devenu lecteur dès son jeune
âge, il aimait à méditer sur l'histoire d'Abraham, le modèle de tous
ceux qui s'exilent par amour du Seigneur (Gn. 12), et sur les
paroles de l'Evangile qui recommandent de quitter parents, biens et
amis pour hériter la vie éternelle (Mat. 19:29). L'âme brûlante
d'une divine ardeur il décida un jour d'appliquer ces préceptes et
prit la route de Jérusalem. Passant dans la région d'Antioche, il
alla prendre la bénédiction de l'illustre Saint Syméon le Stylite
(mémoire le 1er septembre). Le vieillard le salua de loin, en
disant: «Théodose, homme de Dieu, sois le bienvenu! » Il le fit
monter en haut de sa colonne, l'embrassa tendrement et lui prédit
qu'il deviendrait le pasteur d'un immense troupeau de brebis
spirituelles.
Parvenu à
Jérusalem, après avoir vénéré les Lieux Saints, Théodose se demanda
comment il pouvait commencer dans la vie ascétique. Certes, il
désirait mener la vie solitaire; mais, averti des dangers d'entrer
dans la lutte contre les ennemis invisibles sans avoir été
préalablement exercé au combat par un maître expérimenté, il se mit
à la recherche d'un tel guide et le trouva en la personne d'un
vieillard originaire de Cappadoce, nommé Longin, qui brillait de
toutes sortes de vertus parmi les moines consacrés au service de la
basilique de la Résurrection (les spoudaioi). Une fois instruit, par
l'obéissance, à ne faire, comme le Christ, que la volonté de Dieu le
Père et à discerner avec science le bien et le mal, il s'installa
seul dans une église située sur le chemin de Bethléem. Lorsque la
riche et pieuse fondatrice de cette église voulut le mettre à la
tête d'une communauté de moines, il se retira dans une grotte située
sur une montagne déserte, où, disait-on, les Mages avaient logé
après avoir vénéré l'Enfant-Dieu. Tendu avec ardeur vers le ciel et
oubliant tout ce qui est de la terre, Théodose y purifiait son âme
par la mortification sans relâche des plaisirs de la chair, par la
station debout durant toute la nuit, soutenu par des cordes qu'il
avait suspendues au plafond, par la psalmodie et la prière
incessantes. Il demeura trente ans sans manger un morceau de pain,
en ne se nourrissant que de dattes, de fèves et de quelques herbes
qui poussaient dans la grotte. La renommée de ses combats et de la
vie divine qui brillait en lui attirèrent bientôt vers la grotte de
nombreux disciples. Il n'en reçut d'abord que six, puis douze, et
enfin accepta tous ceux que Dieu lui envoyait.
En premier lieu,
il leur enseignait à tenir toujours devant leurs yeux la pensée de
la mort, comme fondement de la vie en Christ. Un jour, il leur fit
creuser un vaste sépulcre et leur dit: «Voici votre tombeau, qui de
vous veut l'inaugurer?» Un prêtre, nommé Basile, tomba à genoux et
demanda au Saint sa bénédiction pour partir le premier vers le
Seigneur. Théodose ordonna alors de célébrer les offices de
commémoration du 3e, du 9e et du 40e jour, comme il est coutume
jusqu'à nos jours pour les défunts. Sitôt venu le 40e jour, Basile
expira, et pendant les 40 jours suivants Théodose le vit se tenir
spirituellement au milieu des frères pendant la psalmodie.
Une veille de
Pâques, les frères, manquant de toute nourriture et même de pain
pour célébrer la Sainte Liturgie, s'agitaient inquiets. Théodose,
recueilli en lui-même dans un endroit isolé, leur recommanda de ne
mettre leur espérance qu'en Dieu. De fait, la nuit venue, deux
mulets arrivèrent à la porte du Monastère chargés de provisions qui
durèrent jusqu'à la Pentecôte.
La grotte devint
vite trop étroite pour le nombre grandissant de disciples, et de
riches amis, prêts à contribuer à toutes les dépenses, pressaient le
Saint de choisir un emplacement convenable pour édifier un grand
monastère, conformément à la prophétie de Saint Syméon. Dabord
hésitant, de peur de perdre les fruits de la vie solitaire, Théodose
parvint à la conclusion, qu'avec l'aide de Dieu, il pourrait garder
son âme dans une paix imperturbable, tout en menant un grand nombre
d'hommes sur la voie du Salut. Il prit donc un encensoir, l'emplit
de charbon, et s'avança droit devant lui, en priant Dieu d'allumer»
Lui-même l'encens lorsqu'il parviendrait à l'endroit convenable. Le
Seigneur accorda ce signe à son serviteur dans un lieu situé à
environ 7 km de Bethléem. On y construisit bientôt de vastes
bâtiments pour les moines, avec des ateliers et tout ce qui est
nécessaire pour les libérer des distractions causées par les
relations avec le monde extérieur. A cette cité évangélique étaient
jointes plusieurs annexes: une hôtellerie pour les moines étrangers,
une autre pour recevoir les pauvres et les indigents, un hôpital
pour les malades, un hospice pour les moines âgés et un asile pour
les aliénés. Oeil pour les aveugles, pied pour les boiteux, toit
pour les sans-toit, vêtement pour ceux qui étaient nus, le Saint se
faisait tout pour tous, il soignait lui-même les plaies les plus
répugnantes et embrassait tendrement les lépreux. Les indigents
accourraient en si grand nombre au monastère, en ces temps de
disette, qu'on allait jusqu'à dresser la table cent fois par jour.
Pour subvenir à de tels besoins, Dieu intervenait fréquemment par
des miracles et multipliait le pain et les vivres.
La communauté
était composée de plus de 400 moines de nationalités différentes.
C'est pourquoi le Saint avait fait construire quatre églises dans
l'enceinte du monastère: une où l'on célébrait la louange de Dieu en
grec, l'autre en syriaque, une autre en arménien, et la quatrième
était réservée aux aliénés et aux possédés. Sept fois le jour les
hymnes s'élevaient vers le ciel en un accord harmonieux de diverses
langues, et tous se réunissaient dans l'église des Grecs, après la
lecture de l'Evangile, pour célébrer en commun la Sainte
Eucharistie. Père unique, Théodose prenait soin de chacun et
montrait à tous, par sa conduite et ses enseignements, une vivante
image du Christ. A la mort de Gérontios, le supérieur du monastère
fondé par Sainte Mélanie (31 décembre), il fut élu comme supérieur
(archimandrite) et chef de tous les moines vivant en communautés,
alors que Saint Sabas (5 décembre) était placé à la tête des ermites
et de ceux qui vivaient dans les laures. Les deux Saints étaient
unis par une grande charité, ils se rencontraient souvent pour
s'entretenir de sujets spirituels et luttèrent de concert contre les
hérétiques.
En ce temps-là
(513), l'Eglise était en effet troublée par l'empereur Anastase, qui
avait pris la défense des monophysites, ennemis du Concile de
Chalcédoine. Il déposa le Patriarche de Jérusalem Elie, lui
substitua un hérétique, et tenta d'attirer à lui tous les moines
éminents de Palestine, en particulier Saint Sabas et Saint Théodose.
Si, par humilité, saint Théodose se laissait vaincre et contrarier
en toute chose, il se montrait toutefois intraitable en ce qui
concernait Dieu et les Saints Dogmes de l'Eglise. Il rassembla tous
les habitants des déserts, leur déclara que le temps était venu pour
le «doux de se changer en guerrier» (Joël 3:11), et écrivit au
souverain une lettre, où il annonçait la ferme décision des moines
de rester fidèles jusqu'au sang à la doctrine des Saints Conciles
Œcuméniques. Impressionné par ce courage, Anastase relâcha pour un
peu de temps ses persécutions, mais les reprit bientôt de plus
belle. Théodose se rendit alors à la basilique de la Résurrection
et, du haut de l'ambon, s'écria: «Si quelqu'un refuse d'accepter les
quatre Saints Conciles au même titre que les quatre Saints
Evangiles, qu'il soit anathème!» Puis, à la tête d'une armée de
moines, il parcourut la ville en confirmant le peuple dans la foi
par sa parole et ses miracles. Envoyé en exil sur ordre de
l'empereur, il put regagner son monastère, deux ans plus tard, lors
de l'avènement de Justin 1er, favorable à l'Orthodoxie (518).
Une fois la paix
rétablie, le bienheureux continua de répandre la bénédiction de Dieu
sur les hommes: il guérit des maladies incurables, d'un seul grain
de blé il remplit un grenier entier, il rendit fécondes des femmes
stériles, chassa des nuées de sauterelles, fit venir la pluie,
délivra des voyageurs en danger, annonça sept ans à l'avance le
séisme qui détruisit la ville d'Antioche (526). Mais ne comptant
pour rien tant de grâces, il montait sans cesse vers Dieu, en
s'enfonçant dans l'abîme de l'humilité. Voyant un jour deux de ses
disciples qui se disputaient, il se jeta à leurs pieds et refusa de
se relever tant qu'ils ne se furent pas réconciliés. Une autre fois,
comme il avait interdit la communion à un moine responsable d'une
faute grave, celui-ci répliqua en faisant la même défense au Père.
Théodose obéit, et ne se présenta à la communion que lorsque le
moine se fût rétracté.
Affligé, vers la
fin de ses jours, d'une longue et douloureuse maladie, il supportait
tout, comme Job, avec action de grâces, refusait de prier Dieu d'en
être délivré et ne relâchait en rien sa règle d'ascèse et de prière.
Un peu avant son trépas, il exhorta ses moines à la persévérance
dans les épreuves, leur promit de toujours intercéder au ciel pour
son monastère; puis, après avoir rassemblé tous les Higoumènes de
Palestine, il les bénit et remit son âme à Dieu. Il était âgé de 105
ans (529). Ses funérailles furent célébrées avec tous les honneurs
possibles par le Patriarche, en présence d'une foule immense de
moines et de laïcs. On ensevelit son corps dans la première grotte
où il avait demeuré, et peu de temps après les miracles commencèrent
à abonder.
De toutes les
vertus de Saint Théodose, trois restèrent à ses disciples comme un
vivant héritage: une sévère ascèse jusqu'à la mort, accompagnée
d'une foi inébranlable; la miséricorde envers les pauvres et les
malades, et l'assiduité continuelle à la prière et à la louange de
Dieu.
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