Vincent de Saragosse Diacre

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Vincent de Saragosse
Diacre, Martyr, Saint
† 304

Saint Vincent, l'un des plus illustres martyrs de Jésus-Christ, naquit à Saragosse, en Espagne. Valère, évêque de cette ville, après l'avoir fait élever dans la connaissance des saintes lettres, et dans les maximes de la plus sublime piété, l'ordonna diacre, et le chargea, sans avoir égard à sa grande jeunesse, du soin de distribuer aux fidèles le pain de la parole divine. L'Espagne avait alors pour gouverneur Dacien, l'un des plus cruels persécuteurs qu'ail jamais eu l'Église.

L'an 303 de Jésus-Christ, les Empereurs Dioclétien et Maximien publièrent un second, puis un troisième édit, lesquels ne regardaient proprement que les ecclésiastiques, mais qui, l'année suivante, furent exécutés contre tous les fidèles indistinctement. Il parait que ce fut avant ces édits que le gouverneur fit arrêter Valère et Vincent : on les tourmenta d'abord à Saragosse ; on les transféra ensuite b. Valence, où ils furent renfermés dans une horrible prison. Ils y restèrent longtemps exposés à tout ce que les chaînes et la faim ont de plus rigoureux. Le proconsul, qui se flattait que cette torture lente aurait ébranlé leur constance, se les fit amener. Il fut très surpris de leur voir un corps vigoureux, et de trouver toujours en eux une intrépidité supérieure à toutes les épreuves. Après avoir réprimandé les gardes, sous prétexte qu'ils n'avaient pas traité les prisonniers conformément à ses ordres, il se tourna vers les deux confesseurs, qu'il essaya de gagner à force de promesses et de menaces. Comme Valère, qui avait de la difficulté à parler, ne répondait point, Vincent lui dit : « Je parlerai, mon père, si vous me l'ordonnez. Mon fils, reprit Valère, je vous ai déjà confié le soin d'annoncer la parole de Dieu ; ainsi je vous charge présentement de répondre pour faire l'apologie de la foi que nous défendons ici. » Le saint diacre ayant donc pris la parole, déclara qu'ils étaient tous deux chrétiens; qu'ils n'adoraient qu'un seul et vrai Dieu avec Jésus-Christ, notre Seigneur son Fils unique, qui n'est qu'un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, et qu'ils étaient prêts à tout souffrir pour son nom. Valère fut condamné à l'exil. Quant à Vincent, il passa par tous les genres de tortures que put imaginer la cruauté la plus raffinée. Ces tortures furent telles, selon saint Augustin, que, sans une force surnaturelle, la nature humaine n'aurait pas été capable de les supporter. Le même Père ajoute que le Saint conserva toujours une paix profonde et une tranquillité inaltérable, qui éclataient sur son visage, dans ses discours et dans tous ses mouvements ; paix et tranquillité qui étonnèrent les persécuteurs, et qui annonçaient visiblement quelque chose de divin. D'un autre côté, Dacien manifestait sa rage et les déchirements de son âme, par les agitations violentes de son corps, par des yeux étincelants, par une voix entrecoupée.

Le gouverneur fit lier d'abord le martyr sur le chevalet, et commanda aux bourreaux de lui tirer les pieds et les mains avec des cordes ; ce qu'ils exécutèrent avec tant de violence, que ses os en furent disloqués. A cette torture, on ajouta encore celle des ongles de fer. Pendant ce temps-là, Vincent raillait les bourreaux, et leur reprochait de manquer de force et de cœur : il eut quelques moments de relâche, tandis qu'on les battit par l'ordre de Dacien, qui les soupçonnait de l'épargner ; mais ceux-ci revinrent bientôt, dans la résolution de satisfaire pleinement la barbarie de leur maître, qui les excitait par tous les moyens imaginables. Deux fois ils interrompirent les tortures, afin de se reposer et de rendre plus vives les douleurs du martyr, en laissant refroidir ses plaies ; ensuite, animes d'une nouvelle fureur, ils le reprirent, déchirèrent toutes les parties de son corps avec tant d'inhumanité, qu'en plusieurs endroits on lui voyait les os et les entrailles : mais la grâce agissait dans son âme à proportion de ce gue souffrait son corps. Les consolations intérieures dont il jouissait se manifestaient par la joie peinte sur son visage, le juge, voyant le sang couler de toutes parts, et l'état affreux ou l’avait réduit le saint martyr, sans qu'il eût été possible de l'ébranler, ne pouvait revenir de sa surprise. Il s'avoua vaincu, et sa rage parut un peu ralentie. Il fit cesser les tourments, dans l'espérance que les voies de douceur réussiraient peut-être à la fin. «Ayez pitié de vous-même, dit-il à Vincent; sacrifiez aux dieux, ou au moins livrez-moi les écritures des chrétiens, conformément aux derniers édits qui ordonnent de les brûler. » Toute la réponse du Saint fut qu'il craignait beaucoup moins les tourments qu'une fausse compassion.

Dacien, plus furieux que jamais, le condamna à la question du feu, la plus cruelle de toutes. Vincent, insatiable de souffrances, monta sans effroi sur l'instrument préparé pour cette question ; c'était un lit de fer, dont les barres, laites en forme de scie, et garnies de pointes très-aiguës, étaient posées sur un brasier ardent. On étendit et on lia le Saint sur cette horrible machine. Toutes les parties de son corps qui n'étaient pas tournées du côte du feu, furent déchirées à coups de fouet, et brûlées avec des lames toutes rouges. On jetait du sel sur ses plaies, et les pointes de ce sel aidées par l'activité du feu, entraient fort avant dans sa chair. On tourmenta successivement de la sorte les différentes parties de son corps, et cela à diverses reprises. Sa graisse qui fondait de tous côtés, servait d'aliment aux flammes, et en augmentait la violence. Ce supplice, dont la seule pensée saisit d'horreur, semblait ranimer sans cesse le courage du serviteur de Jésus-Christ ; car plus il souffrait, plus il paraissait gai et content. Cependant le juge, couvert de confusion et outre de rage, n'était plus maître de lui-même ; il demandait continuellement aux ministres de sa cruauté, ce que faisait, ce que disait Vincent. Il est toujours le même, répondaient-ils ; il persiste toujours dans sa première résolution : on dirait que les tourments ne font qu'accroître et affermir sa constance. Effectivement, le martyr invincible ne perdait rien de sa tranquillité ; il se contentait de lever les yeux au ciel, et de s'entretenir intérieurement avec Dieu par une prière continuelle.

Le gouverneur au désespoir le renvoya en prison, avec ordre de le coucher sur des morceaux de pots cassés, et de lui mettre les pieds dans des ceps de bois qui lui tinssent les jambes fort écartées, et de ne laisser entrer personne, soit pour le voir, soit pour lui parler, ce qui fut ponctuellement exécuté. Mais Dieu n'abandonna pas son serviteur ; des anges, descendus du ciel, vinrent le consoler, et chanter avec lui les louanges de son protecteur. Le geôlier ayant regardé par les fentes de la porte, vit le cachot éclairé d'une vive lumière, et le Saint qui se promenait en chantant des hymnes. Il fut si frappé de ce prodige, qu'il se convertit sur-le-champ, et reçut ensuite le baptême. Cette nouvelle fut pour Dacien comme un coup de poignard ; il en pleura même de rage : il laissa pourtant le Saint en repos. Les fidèles eurent aussi la permission d'aller le visiter ; ils baisaient en pleurant les cicatrices de ses plaies, et recueillaient son sang dans des linges, qu'ils emportaient respectueusement chez eux comme un préservatif assuré qui les garantirait de tous maux. On mit ensuite le Saint sur un lit fort mou ; mais à peine y fut-il couché, qu'il expira. On croit que sa bienheureuse mort arriva le 22 Janvier 304.

Dacien fit jeter son corps dans un lieu marécageux; mais Dieu commit un corbeau pour le défendre contre la voracité des bêtes et des oiseaux de proie; il fut ensuite jeté dans la mer, cousu dans un sac, auquel on avait attaché une grosse pierre. Le dessein du gouverneur échoua encore. Le sac fut poussé sur le rivage par une attention particulière de la Providence. Deux chrétiens ayant connu par révélation le lieu où était le corps du saint martyr, l'enlevèrent secrètement, et l'enterrèrent dans une petite chapelle hors des murs de Valence, où il s'opéra plusieurs miracles par la vertu de ses reliques. On garda aussi précieusement le lit de fer et les autres instruments qui avaient servi à son martyre. Vers l'an 864, on transporta les reliques du Saint, de Valence à l'abbaye de Castres en Languedoc, pour les soustraire à la fureur sacrilège des Maures. On en donna une partie à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, et à quelques autres églises. Ce qui en restait à Castres fut brûlé par les huguenots vers la fin du seizième siècle

Alban Butler : Vies des pères, des martyrs, et des autres principaux saints… traduction de Jean François Godescard.

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